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1675procureur du pays. Je crains que M. de Pompone, qui s’étoit mêlé de cette affaire croyant vous obliger, ne soit un peu fâché de voir le tour qu’elle a pris. Cela se présente en gros comme une chose que vous ne voulez plus, après l’avoir souhaitée. Les circonstances qui vous ont obligée à prendre un autre parti ne sauteront pas aux yeux, du moins je le crains, et je souhaite me tromper. Il me semble que vous devez être bien instruite des npuvelles, à cette heure que le chevalier est à Paris.

M. de Coulanges a essuyé un violent dégoût[1] : M. le Tellier a ouvert sa bourse à Bagnols[2], pour lui faire acheter une charge de maître des requêtes, et en même temps lui donne une commission qu’il a refusée à M. de Coulanges, qui vaut, sans bouger de Paris, plus de deux mille livres de rente[3]. Voilà une mortification sensible, et sur quoi, si Mme de Coulanges ne fait rien changer par une conversation qu’elle doit avoir eue avec ce ministre, Coulanges est très-résolu de vendre sa charge[4]. Il m’en écrit outré de douleur.

Vous savez très-bien les espérances de la paix : les gazettes ne vous manquent pas, non plus que les lamentations de cette province. Monsieur le Cardinal me mande qu’il a vu le comte de Sault, Renti et Biran[5]. Il a si peur d’être

  1. « M. de Coulanges vient de recevoir un violent dégoût. » (Édition de 1754.)
  2. Beau-frère de Coulanges. Mme le Tellier était tante des deux sœurs, Mme de Coulanges et Mme de Bagnols.
  3. « Qui vaut beaucoup sans bouger de Paris. » (Édition de 1734.)
  4. De maître des requêtes, dont il avait été pourvu au mois de septembre 1672. Voyez les Mémoires de M. de Coulanges (édit. Monmerqué, 1820), p. 53 et 54.
  5. Sur le comte de Sault, voyez tome III, p. 40, note 12.—Biran est-il le fils de Roquelaure, dont il a été déjà question (tome III, p. 109), qui fut maréchal en 1724 et mourut en 1738, à l’âge de quatre-vingt-deux ans ? — Le marquis de Renti, de la maison de Croy, était fils du baron Gaston-Jean-Baptiste de Renti et d’Élisabeth de Balsac, de la maison d’Entragues. Il était frère de la maréchale de Choiseul. « Le marquis de Renti le suivit de près (le maréchal de Joyeuse) dans une grande piété, et depuis quelque temps dans une grande retraite. Il étoit fils de ce marquis de Renti qui a vécu et est mort en réputation de sainteté, et il étoit frère de la maréchale de Choiseul, qui ne le survécut que de quelques mois. C’étoit un très-brave, honnête et galant homme, d’un esprit médiocre et assez difficile, quoique très-bon homme ; mais impétueux, médiocre à la guerre pour la capacité, mais honorable et tout à fait désintéressé. Il étoit lieutenant général, et lieutenant général de Franche-Comté, où on ne le laissa guère commander, assez mal à propos ; mais le titre en est devenu un d’exclusion. Il n’étoit pas riche, et a laissé un fils très-brave et honnête homme aussi, mais que l’extrême incommodité de sa vue a retiré fort tôt du service et presque du monde. » (Saint-Simon, tome VIII, p. 355.)