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1675d’avoir près de moi, voyez quel orage vous jette au bout du monde. Quand on veut achever sa lettre, il faut passer vite sur cet endroit, et reprendre des forces, dans l’espérance de quelque changement. Nous avons des visions, d’Hacqueville et moi, qui sont très-bonnes ; ce n’est pas ici le temps de vous les écrire.

Venons aux malheurs de cette province : tout y est plein de gens de guerre. Il y en aura à Vitré, malgré la princesse : Monsieur l’appelle sa bonne, sa chère tante ; je ne trouve pas qu’elle en soit mieux traitée. Il en passe beaucoup par la Guerche[1], qui est au marquis de Villeroi, et il s’en écarte qui vont chez les paysans, les volent et les dépouillent. C’est une étrange douleur en Bretagne que d’éprouver cette sorte d’affliction, à quoi ils ne sont pas accoutumés. Notre gouverneur a une amnistie générale : il la donne d’une main ; et de l’autre, huit mille hommes, qu’il commande comme vous : ils ont leurs ordres. M. de Pommereuil[2] vient : nous l’attendons tous les jours ; il a l’inspection de cette petite armée, et pourra bientôt se vanter d’y joindre un assez beau gouvernement : c’est le plus honnête homme et le plus bel esprit de la robe ; il est fort de mes amis ; mais je doute qu’il soit aussi bon à l’user que votre intendant[3], que vous avez si bien apprivoisé ; je crains qu’on ne le change. Je ne puis vous mander aujourd’hui des nouvelles de Languedoc, comme vous en souhaitez ; contentez-vous de celles de Guienne : je trouve qu’ils sont bien protégés, et qu’on s’adoucit fort pour eux ; nous ne sommes pas si heureux : nos protections, si nous en avions, nous

  1. Dans le département d’Ille-et-Vilaine, à six lieues au sud de Vitré.
  2. Voyez ci-dessus, p. 258, note 2, et plus loin, p. 284.
  3. Rouillé de Mêlai.