Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 306 —


1675ressuscitée mais n’est-ce point deux fois mourir, bien près l’une de l’autre ? car elle a quatre-vingts ans. Mme de Coulanges m’apprend la bonne compagnie de notre quartier ; mais cela ne me presse point d’y retourner plus tôt que ce que j’ai résolu : je ne m’y sens attirée que par des affaires ; car pour des plaisirs, je n’en espère point, et l’hiver n’est point ici ce que l’on pense : il ne me fait nulle horreur. Nous suivons vos avis pour mon fils : nous consentons à quelques fausses mines ; et si l’on nous refuse, chacun vendra de son côté[1] ; en attendant, il me fait ici fort bonne compagnie, et il trouve que j’en suis une aussi ; il n’y a nul air de maternité à notre affaire ; la princesse en est étonnée, elle qui n’a qu’un benêt de fils, qui n’a point d’âme dans le corps[2]. Elle est bien affligée des troupes qui sont arrivées à Vitré : elle espéroit, avec raison, d’être exemptée ; mais voilà un bon régiment dans sa ville : c’eût été une chose plaisante si c’eût été le régiment de Grignan ; elle passera l’hiver ici ; il est à la Trinité, c’est-à-dire à Bodégat[3]. J’ai écrit au chevalier, non pas pour rien déranger, car tout est réglé, mais afin que l’on traite doucement et honnêtement mon fermier, mon procureur fiscal et mon sénéchal ; cela ne

  1. Voyez la lettre du Ier décembre précédent, p. 254.
  2. Charles-Belgique-Hollande, seigneur de la Trémouille, duc de Thouars, prince de Tarente et de Talmont, premier gentilhomme de la chambre, né en 1655 à la Haye ; il épousa en 1675 Madeleine de Créquy, fille unique du dernier duc, et mourut en 1709. Son fils épousa une petite-fille de Mme de la Fayette. Le prince de Tarente avait eu pour parrains le roi de Suède, qui lui donna le nom de Charles, les états généraux des Provinces-Unies et les états particuliers de la province de Hollande, qui lui donnèrent ceux de Belgique-Hollande. — Sur la manière sévère dont il est jugé par Mme de Sévigné, voyez la Notice, p. 199.
  3. Terre du marquis de Sévigné en basse Bretagne, près du bourg de la Trinité, à peu de distance de Quimper. Elle fut abandonnée à Mme de Sévigné pour la remplir de ses reprises.