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1676
537. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
À Nevers, vendredi 15e mai.

Voici une route où l’on est tentée de vous écrire, quand on ne le voudroit pas : jugez ce que c’est quand d’ailleurs on y est aussi bien disposée que je le suis. Le temps est admirable, cette grosse chaleur est dissipée sans orage ; je n’ai plus de ces crises dont je vous avois parlé. Je trouve le pays très-beau et ma rivière de Loire m’a paru quasi aussi belle qu’à Orléans : c’est un plaisir de trouver en chemin d’anciennes amies. J’ai amené mon grand carrosse, de sorte que nous ne sommes nullement pressées, et nous jouissons avec plaisir des belles vues dont nous sommes surprises à tout moment. Tout mon déplaisir, c’est que l’hiver les chemins sont une autre affaire[1], et vous aurez autant de fatigues que nous en avons peu. Nous suivons les pas de Mme de Montespan ; nous nous faisons conter partout ce qu’elle dit, ce qu’elle fait, ce qu’elle mange, ce qu’elle dort. Elle est dans une calèche à six chevaux, avec la petite de Thianges[2] ; elle a un carrosse derrière, attelé de la même sorte, avec six filles ; elle a deux fourgons, six mulets, et dix ou douze cavaliers à cheval, sans ses officiers : son train est de quarante-cinq personnes. Elle trouve sa chambre et son lit tout prêts ; en arrivant elle se couche, et mange très-bien. Elle fut ici au château[3], où M. de Nevers étoit venu donner ses ordres et ne demeura point

  1. LETTRE 537 (revue en très-grande partie sur une ancienne copie). — Perrin a remplacé une autre affaire par bien différents. — Dans l’édition de 1734, la lettre est datée du samedi 16 mai.
  2. Voyez tome II, p. 146, note 9.
  3. Sur ce château, bâti au quinzième siècle et aujourd’hui palais de justice, voyez l’Itinéraire de Paris à Lyon, par M. Joanne, p. 103.