Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/467

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 461 —


1676plus ; quand vous lui demandez des nouvelles du lundi, vous paroissez bien persuadée de sa fragilité. Je suis fort aise qu’il ait conservé sa gaieté et son visage de jubilation. J’ai toujours envie de rire, quand vous me parlez du bonhomme du Parc[1] : je ne trouve rien de si plaisant que de le voir seul persuadé qu’il fait des miracles : je suis bien de votre avis, que le plus grand de tous seroit de vous le persuader. Je suis fort aise que ma petite soit gaie et contente ; c’étoit la tristesse de son petit cœur qui me faisoit de la peine. Il est vrai que le voyage d’ici à Grignan n’est rien : j’en détourne ma pensée avec soin, parce qu’elle me fait mal ; mais vous ne me ferez pas croire, ma belle, que celui de Grignan à Lyon soit peu considérable : il est tout des plus rudes, et je serois très-fâchée que vous le fissiez pour retourner sur vos pas ; je ne change point d’avis là-dessus. Si vous étiez de ces personnes qu’on enlève et qu’on dérange, et qui se laissent entraîner, j’aurois espéré de vous emmener avec moi malgré vous ; mais vous êtes une personne dont on ne peut espérer ces sortes de complaisances[2]. Je connois vos tons et vos résolutions ; et cela étant ainsi, j’aime bien mieux que vous gardiez toute votre amitié et tout votre argent, pour venir cet hiver me donner la joie et la consolation de vous embrasser. Je vous promets seulement une chose, c’est que si je tombois malade ici, ce que je ne crois point du tout assurément, je vous prierois d’y venir en diligence ; mais, ma chère, je me porte fort bien ; je bois tous les matins ; je suis. un peu comme Nouveau[3], qui demandoit : « Ai-je bien du plaisir ? » Je

  1. C’est sans doute le solitaire dont Mme de Sévigné a parlé au tome II, p. 391 et 392.
  2. Mais vous êtes d’un caractère dont on ne peut se promettre de pareilles complaisances. » (Édition de 1754.)
  3. Jérôme de Nouveau, seigneur de Fromont (à deux lieues de