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1677

621. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi matin 2e juillet.

Je m’en vais à Livry à la messe, ma très-chère enfant. Corbinelli doit revenir aujourd’hui ou demain ; je me fais un plaisir de l’attendre sur le grand chemin de Châlons et de le tirer du carrosse au bout de l’avenue, pour l’amener passer un jour avec nous : nous causerons beaucoup ; je vous en rendrai compte. Je reviendrai dimanche ; car cette petite affaire que je crois toujours tenir m’empêche de pouvoir encore m’établir à Livry : vraiment c’est bien ce papillon dont je parlois à mon fils ; sur quoi on croit mettre le pied et qui s’envole toujours. Je ne vois que des oppositions à toutes mes volontés, grandes et petites : il faut regarder plus haut pour ne pas s’impatienter. Je laisse un laquais pour m’apporter vos lettres : ah ! ma fille, c’est bien moi qui ne passe les autres jours que pour attraper celui-là ; et la moralité que vous m’avez écrite est toujours à propos, quand on voit comme tout échappe.

Io est revenue à Versailles, dès que Monsieur y est revenu : cette nouvelle ne fait aucun bruit à Versailles[1]. Quanto et son ami sont plus longtemps et plus vivement ensemble qu’ils n’ont jamais été : l’empressement des premières années s’y retrouve, et toutes les contraintes sont bannies, pour mettre une bride sur le cou, qui persuade que jamais on n’a vu d’empire plus établi[2]. J’ai vu des gens qui croient qu’au lieu d’aller au Bouchet quand

  1. Lettre 621. — 1. « N’y fait aucun bruit. » (Édition de 1754.)
  2. 2. L’édition de 1734 a ici une ponctuation toute différente : « et toutes les contraintes sont bannies. Pour mettre une bride sur le cou…, j’ai vu des gens, etc. »  »