Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/72

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1676 de ce marquis de Livourne[1] : cela ne coûte rien ; et pour les grâces du Roi, il faut toujours les espérer, quand on les mérite toujours comme M. de Grignan. Voyez M. de Roquelaure : c’est un bel exemple de patience ; nul courtisan n’avoit plus de sujet de se plaindre que lui. J’irois bien plutôt en Provence pour voir Monsieur l’Archevêque que pour votre prieur qui guérit de tous maux.

Ah ! que j’en veux aux médecins ! quelle forfanterie que leur art ! On me contoit hier la comédie de ce Malade imaginaire[2] que je n’ai point vue ; il étoit donc dans l’obéissance exacte à ces messieurs ; il comptoit tout : c’était seize gouttes de vin [3] dans treize cuillerées d’eau ; s’il y en eût eu quatorze, tout eût été perdu[4]. Il prend une pilule, on lui a dit de se promener dans sa chambre ; mais il est en peine, et demeure tout court, parce qu’il a oublié si c’est en long ou en large : cela me fit fort rire, et l’on applique[5] cette folie à tout moment.

Ce que vous me dites des richesses du grand maître est plaisant. Plût à Dieu qu’il donnât une pension à Corbinelli, et qu’il la voulût prendre ! car c’est un étrange philosophe. Quand je verrai Mme  de Schomberg, je lui dirai tout le bien que vous me dites de l’abbé de la Vergne ; elle en sera ravie ; et je lui apprendrai aussi qu’il

  1. 26. Voyez tome IV, p. 411, note 27.
  2. 27. Représenté pour la première fois le 10 février 1678 sur le théâtre du Palais-Royal. — L’édition de 1754 porte : « cette comédie du Malade imaginaire. »
  3. 28. « D’un élixir, » et à la ligne suivante : « tout étoit perdu. » (Édition de 1754.)
  4. 29. Il n’est pas question dans le Malade imaginaire de gouttes de vin, mais de grains de sel. « Argan. Monsieur, combien est-ce qu’il faut mettre de grains de sel dans un œuf ? — M. Diafoirus. Six, huit, dix, par les nombres pairs, comme dans les médicaments par les nombres impairs. » (Acte II, scène ii,) — Pour ce qui suit, voyez la même pièce, acte II, scène II.
  5. 30. « L’on réplique. » (Édition de 1734.)