Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/21

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Adieu, ma chère enfant : il faut que je dîne chez Monsieur de Rennes ; ce sont des festins continuels. Ah, mon Dieu ! quand pourrai-je mourir de faim et me taire ? Je vous écrirai des Rochers, où j’espère retourner demain.


1680

840. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Rennes, samedi 10e août.

Me voici encore, ma fille, à dépenser, comme je vous disois l’autre jour, mon pauvre esprit en petites pièces de quatre sous ; il n’y a pas un grain d’or à tout ce qu’on y dit : la raison, la conversation, la suite dans un discours sont entièrement bannis du tourbillon où je suis. J’aurois suivi la princesse de Tarente, qui partit hier, sans que le premier président[1], qui est le contraire du vôtre, et à qui je devais, en bonne justice, faire une visite jusqu’à Vannes, arrive ce soir ; de sorte que je veux le voir, lui parler, et partir demain, si je puis, ou tout au plus tard lundi matin. Ce sera avec une joie sensible que je retrouverai le repos et le silence de mes bois. Mais, ma chère enfant, parlons de vous. Je suis fort aise que vous vous divertissiez, et j’approuve fort vos soupers et vos fêtes ; mais ce petit dérèglement s’accommode-t-il avec votre délicatesse ? Montgobert me fait une fort jolie peinture du souper qu’elle a ordonné ; elle m’envoie les vers d’Apollon : je crois que cela étoit digne de Fresnes[2]. Il y a bien de l’in-

  1. Lettre 840 (revue en partie sur une ancienne copie). — 1. Louis Phelipeaux de Pontchartrain était premier président du parlement de Rennes depuis l’année 1677. Il eut de grands démêlés avec le duc de Chaulnes. Voyez la lettre du 5 juin 1689.
  2. 2. Voyez tome I, p. 494, note 10. — On jouait sans doute à Gri-