Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/272

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1684 vous jugez bien, Monsieur, qu’en qualité de commissaire, je ne vous citerai que des lois. Il y en a une bien établie dans le monde, et surtout parmi les honnêtes gens, c’est de ne les point condamner sans les entendre : voilà, Monsieur, en quoi consiste la grâce que j’ai à vous demander aujourd’hui. Les gens de M. le prince de Conti nous demandent une terre que nous possédons depuis trois cents ans. Je sais par M. de Corbinelli que c’est un furieux titre qu’une possession de trois cents ans ; nous vous demandons, Monsieur, le loisir de rassembler nos preuves pour vous convaincre du peu de droit de M. le prince de Conti, et de la bonté du nôtre. Nos gens d’affaires sont ici pour un procès qui m’y arrête : dès qu’ils seront de retour, qui sera dans peu, ils vous étaleront nos pancartes, et vous conviendrez que nous ne résistons à un si grand prince, que par la nécessité où l’on est de conserver un bien très-légitimement acquis. Il faut sentir une grande justice de son côté, Monsieur, pour ne vous pas craindre, quand il est question de M. le prince de Conti ; et j’avoue que l’on ne peut se croire plus en sûreté que j’y suis, sachant ce que je sais de l’affaire, et vous connoissant comme je vous connois, le plus juste, le plus éclairé[1] juge, comme le plus estimable et le plus aimable ami du monde. Je demande pardon de cette douceur à votre dignité de commissaire, et fais ma protestation qu’elle n’est point en vue de vous corrompre, mais de rendre honneur à une vérité que je pense souvent et ne vous dis jamais ; il me semble pourtant que vous devez quelquefois m’entendre par ma mère, et me donner part aux protestations qu’elle vous fait de temps en temps de vous honorer infiniment.

La comtesse de Grignan.

  1. 4. Le mot juge a été ajouté au-dessus de la ligne ; il pourrait bien