Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/331

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des pères du Désert[1], la Réformation d’Angleterre[2] ; enfin, quand on est assez heureux pour aimer cet amusement, on n’en manque jamais.


943. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, mercredi 29e novembre.

Je vous vois, je vous plains : vous avez envie de m’écrire, vous avez bien des choses à me dire ; mais Mme de Lavardin, qui ne s’en soucie point du tout, dîne à dix heures pour ne vous point manquer ; puis Mme de Lamoignon, puis M. de Lamoignon : oh ! pour celui-là, il devoit vous faire oublier votre écriture et votre écritoire ; enfin, voilà l’heure qui presse, tout est perdu si je n’écris point à ma mère ; et vous avez raison, mon enfant, il faut nécessairement que j’en reçoive peu ou prou, comme on dit ; il faut que je voie pied ou aile de ma chère fille ; et nul ordinaire ne se peut passer sans qu’elle me donne cette consolation : c’est ma vie, c’est manger, c’est respirer ; mais ce qu’il faut faire, quand vous êtes attrapée comme samedi, c’est ce que vous avez dit : écrivez deux pages, et, sans finir, envoyez-les-moi, et écrivez le reste à loisir : j’entendrai fort bien cette manière de précipitation ; et je vous prie même, ma très-chère, de ne vous point suffoquer de faire réponse à mes lettres infinies ; songez que je cause, et que je ne suis point du tout accablée de visites ; j’ai tout le temps qu’il me faut, et au delà, et c’est par pitié de vous que je les finis ; car

  1. 17. La Vie des pères des Déserts d’Arnauld d’Andilly (1647-1652). Voyez le Port-Royal de M. Sainte-Beuve, tome II, p. 277 et suivantes.
  2. 18. De Burnet. Voyez la Notice, p. 164, et ci-dessus, p. 297, note 10