Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1685

965. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

[Aux Rochers], dimanche 17e juin[1]..

Que je suis aise que vous soyez à Livry, ma très-chère bonne, et que vous y ayez un esprit débarrassé de toutes les pensées de Paris ! Quelle joie de pouvoir chanter ma chanson, quand ce ne seroit que pour huit ou dix jours ! Vous nous dites mille douceurs, ma bonne, sur les souvenirs tendres[2] et trop aimables que vous avez du bon abbé et de votre pauvre maman ; je ne sais où vous pouvez trouver si précisément tout ce qu’il faut toujours penser et dire[3] ; c’est, en vérité, dans votre cœur, c’est lui qui ne manque jamais, et quoi que vous ayez voulu dire autrefois à la louange de l’esprit qui veut le contrefaire, il manque[4], il se trompe, il bronche à tout moment : ses allures ne sont point égales, et les gens éclairés par leur cœur n’y sauroient être trompés. Vive donc ce qui vient de ce lieu, et entre tous les autres, vive ce qui vient si naturellement de chez vous ![5]

Vous me charmez en me renouvelant les idées de Livry ; Livry et vous, en vérité, c’est trop ; et je ne tiendrois pas contre l’envie d’y retourner, si je ne me trou-

  1. Lettre 965 (revue sur l’autographe). — 1. Cette lettre avait déjà été revue sur l’autographe pour l’édition de 1818 ; mais il s’y était glissé quelques altérations, qu’une collation nouvelle nous a permis de corriger.
  2. 2. « Que je suis aise que vous soyez à Livry, et que votre esprit y soit débarrassé de toutes les pensées de Paris ! Vous nous dites mille douceurs sur les souvenirs tendres, etc. » (Édition de 1754.)
  3. 3. « Je cherche quelquefois où vous pouvez trouver si précisément tout ce qu’il faut penser et dire. » (Ibidem.)
  4. 4. « À la louange de l’esprit qui veut contrefaire le cœur, l’esprit manque. » (Ibidem)
  5. 5. « …éclairés par le cœur n’y sauroient être trompés. Aimons donc, ma fille, ce qui vient si naturellement de ce lieu. » ( Ibidem)