Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/169

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1O56. DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET DE CORBINELLI AU COMTE DE BUSSY RABUTIM". ° Le lendemain du jour que j’eus écrit cette lettre (notre n° 1058, p. 168), je reçus celle-ci de Mme de Sévigné, qui étoit la réponse de celle du 5° juillet que je lui avois écrite.

A Paris, ce 13è août 1688.

DE MADAME DE SÉVIGNÉ.

J’Ai toujours eu confiance en votre heureux tempérament, mon cher cousin et quoique je connusse des gens qui se seroient fort bien pendus dans l’état où vous êtes parti d’ici, le passé me répondoit un peu de l’avenir. II me semble

Qu’un mont pendant en précipices,

Qui pour les coups du désespoir

Sont aux malheureux si propices,

n’étoit point du tout le chemin qu’il prendroit[1]. Et en vérité vous avez raison : la vie est courte, et vous êtes déjà bien avancé ; ce n’est pas la peine de s’impatienter. Cette consolation est triste, et ce remède pire que le mal ; cependant il doit faire son effet, aussi bien que la pensée, qui n’est guère plus réjouissante du peu de place que nous tenons dans ce grand univers, et combien il importe peu, à la fin du monde,qu’il y ait eu un comte de Bussy heureux ou malheureux. Je sais que c’est pour le petit moment que nous sommes en cette vie que nous voudrions être heureux ; mais il faut se persuader qu’il n’y a rien de plus impossible, et que si vous n’eussiez eu les sortes de chagrins que vous avez, vous en auriez eu d’autres, selon l’ordre de la Providence. Elle veut, par


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  1. LETTRE 1056. 1. Dans l’édition de 1697 et les suivantes“ que Vous prendriez. »