Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/177

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1059)- DU COMTE DE BUSSY RABUTIN A MADAME DE SÉVIGNÉ ET A CORBINELLI.

Le lendemain du jour que j’eus reçu cétte lettre (n° 1056,p, 163), j’y fis cette réponse.

A Coligny, ce 17e août 1688.

A MADAME DE SÉVIGNÉ.

JE reçus hier votre lettre du 13e de ce mois, ma chère cousine, que je n’ai point trouvée ennuyeuse comme vous me le mandez. Je vous avoue que j’en ai reçu quelquefois de vous de plus généralement belles que celle-ci ; cependant il y a des traits de maître en beaucoup d’endroits, qui me contentent l’esprit, et tout le reste me touche le cœur. En un mot, j’ai été ravi de la recevoir et de la lire.

Quand vous me dites que vous croyez bien que je ne me précipiterai pas, que la vie est courte et que je suis déjà bien avancé, que ce n’est pas la peine de m’impatienter, peut-on plus égayer une matière si triste ? Quand vous me mandez, pour me consoler, que tout le monde a ses peines, que si je n’avois eu les miennes, j’en aurois eu d’autres, et que tel est l’ordre de la Providence, cela n’est-il pas chrétien et du meilleur sens du monde ? Quand après cela vous me parlez de la transplantation romanesque de notre cousin d’Allemagne par cette même Providence, et que vous ajoutez que cette bizarre et extraordinaire fortune, dont il n’a point été l’artisan, me doit empêcher de tirer aucune conséquence en sa faveur, ni de me faire aucun reproche, vous fortifiez agréablement les raisons que je me suis dites et que je me dis tous les jours pour n’être point fâché. Allez, ma chère cousine, vous êtes bien plus aimable, que vous ne pensez.