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Si vous voulez, ma chère enfant, que je vous parle sérieusement du chevalier de Grignan, c’est que de bonne foi vous lui avez des obligations infinies : rien n’est égal à l’étendue de ses soins, de sa vigilance, de ses vues ; à la force, à la puissance de ses sollicitations ; à la chaleur qu’il inspire à ses amis pour les faire entrer dans nos intérêts ; à la considération qu’on a pour lui personnellement[1] ; aux peines qu’il prend, dont Dieu le récompense par une bonne santé ! Enfin, ma fille, nous nous trouvons si heureux de vous rendre quelque service, que nous voulons faire un livre qui aura pour titre : les Peines légères et salutaires de l’amitié : nous le ferions imprimer, sans que nous craignons de ruiner le libraire[2] par le peu de débit, tant il est vrai que peu de gens sont persuadés de cette vérité. Vous ne pouvez donc trop aimer et remercier le chevalier[3] Je ne sais comment je pourrai vous parler d’autre chose aujourd’hui que de cet évangile du jour.

Ce qui nous a soutenu le cœur contre la douleur qui nous fit pleurer très-tendrement hier au soir, Monsieur le chevalier et moi, de l’état de Monsieur l’Archevêque, c’est que ne nous ayant point été confirmé ce matin par les lettres d’Arles, qui n’en disent rien du tout, nous avons espéré que ses foiblesses n’auroient pas encore les suites que nous appréhendons, et que la perte si sensible de ce grand et illustre prélat pourroit être retardée au moins de quelques mois[4]Vous dites fort bien, ma fille

  1. 18. Qu'on a pour sa personne (Edition de 1754.)
  2. 19. Sans la crainte de ruiner le libraire (Edition de 1737.)
  3. 20. « Trop aimer ni trop remercier le chevalier. » (Édition de 1754.) La phrase suivante « Je ne sais, etc., » a été modifiée et déplacée dans l’édition de 1737 (voyez ci-dessus la note 23). L’alinéa qui vient après « Ce qui nous a soutenu, etc. » manque tout entier dans cette édition.
  4. 21. L’archevêque d’Arles, oncle du comte de Grignan, était mort à Arles, le 9 du mois, à l’âge de quatre-vingt-six ans (d’après