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mon ami, me trouvant persécuté de mauvais offices auprès du Roi, commença à déclarer à Sa Majesté qu’il étoit mon ancien ami, et qu’il lui répondoit- non-seulement de ma fidélité à son service, mais de mon respect infini pour sa personne. Un jour qu’on apporta au Roi un sonnet horrible contre lui, en présence des ministres, le Tellier dit que ce pouvoit bien être moi qui l’eût fait. Le Roi répondit « Cela ne peut pas être : Saint-Aignan m’a répondu de Bussy ; » et au sortir de là, Sa Majesté redit à mon ami cette conversation. Quand j’eus cette cruelle affaire en 1653, à Fontainebleau, feu Madame m’aida à en sortir, mais mon ami Saint-Aignan la seconda bien, et ce fut par son moyen que j’eus cette conversation avec le Roi, dont je sortis si content(2). Mes ennemis, enragés de me voir hors d’intrigues(3), redoublèrent leurs efforts pour me perdre ; ils intéressèrent la Reine mère(4), qui dit un jour au Roi, parlant de moi : « Est-ce, mon fils, que j’aurai toujours devant les yeux un homme qui ne fait autre chose que de me déchirer ? » Sa Majesté lui répondit qu’il ne condamnoit pas les gens sans les entendre et sans être convaincu qu’ils étoient coupables. Cependant quelques jours après ce discours, le Roi se démentit, et commença par me faire arrêter. Le jour que je fus mené à la Bastille(5), Saint-Aignan dit à Sa Majesté qu’il la supplioit très-humblement de trouver bon qu’il lui demandât si la raison qui causoit ma disgrâce

2. On avaît accusé Bussy de méchants propos sur Madame, duchesse d’Orléans. Voyez le long récit que Bussy fait de cette aventure dans ses mémoires, tome II, p. 155 à 205.

3. Voyez plus haut, p. 37, note 1.

4. Anne d’Autriche.

5. Le 17 avril 1665.