Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/147

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gouges c’est la plus belle et agréable maison[1] et la mieux meublée qu’on puisse voir. Il y eut un souper d’une magnificence à mourir de faim ; je disois à Revel : « Ah ! que j’ai faim » On me donnoit un perdreau : j’eusse voulu du veau ; une tourterelle : je voulois :une aile de ces bonnes poulardes de Rennes ; enfin je ne m’en dédis point ; si vous dites : Je mangerai tant que l’on voudra, parce que je n’ai point de faim, je dirai Je mangerois le mieux du monde, s’il n'y avoit rien sur la table ; il faut pourtant s’accoutumer à cette fatigue.

M. de la Faluère me fit des honnêtetés au delà de ce que je puis dire[2] ;. il me regardoit, et ne me parloit qu’avec des exclamations : « Quoi ? c’est là Mme de Sévigné ! quoi ? c’est elle-même ! » Hier, vendredi, il nous donna à dlner en poisson ; ainsi nous vîmes ce que la terre et la mer savoient faire : c’est ici le pays des festins [3]. Je causai avec ce premier président ; il me dit tout naïvement qu’il improuvoit infiniment la requête civile, parce qu’ayant su par M. Ferrand[4], son beau-frère, comme l’affaire avoit été gagnée tout d’une voix, il étoit convaincu que la justice et la raison étoient de votre côté. Je lui dis un mot de notre petite bataille du grand conseil : il admira notre bonheur, et détesta cet excès de chicane. Je discourus un peu sur les manières de Mme de Bury, sur cette inscription de faux contre une pièce

    premier président du parlement de Bretagne et était en 1689 conseiller d’État et membre du conseil royal des finances. Il fut évêque de Vannes de 1687 à 1716, année de sa mort.

  1. 6. «  La plus belle et la plus agréable maison, » (Édition de 1754.)
  2. 7. « De tout ce que je puis dire. » (Ibidem.)
  3. 8. Tout ce qui suit, jusqu’à « on fît briller le vin de Saint-Laurent, etc., » ne se lit que dans l’édition de 1754.
  4. 9. II y avait au parlement de Paris deux conseillers nommés Ferrand, Antoine et Michel. Le premier était de la quatrième chambre des enquêtes.