Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/155

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point d’argent qu’à la pointe de l'épée, de petits créanciers dont je suis encore étranglée, des chevaux de carrosse à racheter ; en sorte que j’ignore comme j’aurois pu faire sans m’exposer à me sentir toute ma vie de ce dérangement ; au lieu qu’en suivant votre exemple, et passant l’hiver en ce pays, comme vous en Provence, j’aurai le temps de respirer : je crois ce régime aussi bon pour vous que pour moi. Cette lettre va partir : il n’est point arrivé de courrier de Brest ; mais la nouvelle[1] se confirme par des gens qui en sont venus ; vous l’apprendrez de Paris. Adieu[2], ma chère Comtesse je vous embrasse mille fois.

12O3. DE MADAME DE SÉVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

A Auray, samedi 6è août.

TOUT brille de joie dans cette province de l’arrivée du chevalier de Tourville à Brest ; M. de Revel a vu ce moment heureux. On l’attendoit si peu, ce Tourville, qu’on crut d’abord que c’étoient des ennemis[3]; et quand il se fit connoître, ce fut une joie et une surprise agréable. Il avoit pris son parti avec jugement et hardiesse : il présuma avec capacité que le vent [4] qui le mèneroit à Brest obligeroit les vaisseaux qui étoient à cette ile d’Ouessant, de sortir de ce poste, parce qu’il les repoussoit et les rompoit contre l’île. Cela fut si vrai, qu’ils en sortirent pour

  1. 21. La nouvelle de l’arrivée de Tourville. La Gazette la donne dans son numéro du 6 août.
  2. 22. Cette dernière phrase n’est pas dans l’impression de 1754.
  3. LETTRE 1203 -- 1. « Que c’étoit des ennemis,» (Édition de 1754.)
  4. 2. « Il avoit pris son parti avec capacité et hardiesse : il jugea que le vent, etc. » (Ibidem.)