Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

22

Chaulnes et Mme de Kerman. Nous étions dans le meilleur carrosse, avec les meilleurs chevaux, la plus grande quantité d’équipages, de fourgons, de cavaliers, de commodités, de précautions que l’on puisse imaginer. Nous vînmes coucher à Pont[1], dans une jolie petite hôtellerie, et le lendemain ici. Les chemins sont fort vilains[2]mais cette maison est très-belle et d’un grand air, quoique démeublée, et les jardins négligés. A peine le vert veut-il montrer le nez ; pas un rossignol encore : enfin l’hiver le 17e d’avril. Mais il est aisé d’imaginer les beautés de ces promenades : tout est régulier et magnifique ; un grand parterre en face, des boulingrins vis-à-vis des ailes, un grand jet d’eau dans le parterre, deux dans les boulingrins, et un autre tout égaré dans le milieu d’un pré, qui est admirablement bien nommé le Solitaire[3]un beau pays, de beaux appartements, une vue agréable, quoique plate ; de beaux meubles que je n’ai point vus ; toutes sortes d’agréments et de commodités enfin une maison digne de tout ce que vous en avez ouï dire en vers et en prose[4]Mais une duchesse si bonne et si aimable, et si obligeante pour moi, que si vous m’aimez, chose dont je ne doute nullement, il faut nécessairement

  1. 4. Pont -Sainte-Maxence, chef-lieu de canton de Senlis
  2. 5. fort mauvais. » (Edition de 1754.)
  3. 6. Le manuscrit autographe des Chansons de Coulanges, conservé à la Bibliothèque impériale, contient deux couplets, sur l’air de Joconde, intitulés : le Solitaire de Chaulnes devenu homme du monde. A ces couplets est jointe la note que voici, écrite également de la main de Coulanges « C’est un jet d’eau qu’on appeloit de ce nom parce qu’il étoit dans un lieu écarté et brut, qui est enfin devenu un lieu délicieux du consentement de Mme la duchesse de Chaulnes, qui s’y étoit toujours opposée. »
  4. 7. Tout ce qui suit manque dans l’édition de 1737, qui ne reprend qu’à « Ma fille, vous êtes trop aimable, trop reconnoissante. vraiment c’est bien de la reconnoissance, etc. » (p. 24, 3e ligne).