Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je ne donne point la mienne à M. de la Garde pour prêcher et pour gronder29. Je sais bien que Jésus-Christ, saint Paul et saint Augustin, ont prêché et exhorté c’étoit à eux à faire; ce dernier en dit de si bonnes raisons! Mais un pauvre pécheur revenu depuis trois jours d’un état pire que les nôtres, devroit se tenir dans le silence, pénétré de là miséricorde de Dieu sur lui, uniquement occupé de son bonheur, et de la sensible reconhoissance qu’il doit à son Sauveur de l’avoir séparé et distingué déclaré que n’ayant point de palais dans Rome, la question des quartiers ne pouvait pas s’élever (voyez la note 24 de la lettre du rg octobre précédent, p. î65). M. Grouvelle, dernier éditeur, a répété, d’après Gatien des Courtilz, <jne le duc de Chaulnes eut près de trois mUlions à distribuer pour faire ce pape. Il n’est pas difficile de montrer combien cette assertion est absurde. Le Roi désirait que le cardinal Delphini fût élevé au pontificat. Si dans ses instructions il n’excluait pas entièrement le cardinal Ottobohi, il avait au moins ordonné aux cardinaux français de ne concourir à son élection qu’après s’être assurés de ses dispositions pour la France (voyez ci-dessus, p. 270, note 17). En arrivant à Rome, les cardinaux français et l’ambassadeur virent que les esprits étaient favorables a Ottoboni, et que l’on se disposait à l’élire si aucune des couronnes, c’est-àdire Empire, France et Espagne, ne lui donnait l’exclusion. Ils reconnurent bientôt que les rapports du’ cardinal d’Estrées avaient manqué d’exactitude, et les trois cardinaux de Bouillon, de Bonzi, de Furstemlerg, ainsi que l’ambassadeur, crurent de l’intérêt de la France de porter Ottoboni. Le cardinal d’Estrées, sans combattre ouvertement cet avis, ne le partageait pas: il voulait gagner du temps, sous le prétexte d’obtenir des garanties du pape futur, mais plutôt afin que les réponses aux lettres qu’il avait écrites à Versailles eussent le temps d’arriver. En effet, peu de jours après l’exaltation du pape, le duc de Chaulnes reçut l’ordre formel de traverser sous main l’élection du cardin jl.Ottoboni. Ces faits connus, comment supposer un instant que la France ait acheté des suffrages pour exalter un pape contre lequel le Roi était prévenu, et dont il chercha jusqu’au dernier moment à traverser l’élection? Voyez les Mémoires de Coulanges, et la Guerre d’Espagne, de Bavière et de Flandre, par Gatien des Courtilz. (Note de lédition de 181 8.)

39. « Ni pour gronder. » (Édition de 1754.)

1689

293