Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/300

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̃ entre tant d’autres, sans aucun mérite, et par une grâce toute gratuite : voilà dé quoi son cœur doit être plein, et si la charité le fait prendre intérêt[1] à son prochain, que ce soit en gémissant devant Dieu, et en demandant pour eux[2] les mêmes grâces dont il a été comblé. Telle étoit Mme de Longue ville, cette sainte et pénitente princesse[3] elle n’oublioit point son état, ni les abîmes dont Dieu l’avoit tirée ; elle en conservoit le sentiment pour fonder sa pénitence et sa vive reconnoissance envers Dieu. C’est ainsi que l’on conserve l’humilité chrétienne, et que l’on fait honneur à la grâce de Jésus-Christ. Cela n’empêche pas les réflexions, les conversations chrétiennes avec ses amis ; mais point de sermons, point de gronderies : cela révolte et fait qu’on se souvient, et qu’on les renvoie à leur vie passée, parce qu’on voit qu’ils l’ont oubliée. Je suis étonnée que les gens de bon esprit tombent dans cette injustice ; mais il ne faudroit s’étonner de rien ; car que ne trouve-t-on point dans son chemin ? Notre marquis me paroit un petit homme qui sera bientôt en quartier d’hiver comme les autres, et qui pourra vous aller voir ; je le souhaite, ma chère enfant, c’est la plus grande consolation que vous puissiez avoir ; j’ai bien envie de l’embrasser, aussi bien que ma chère Comtesse. Je suis fort aise que ce Comte soit engraissé ; je le voyois toujours maigre, et j’en étois en peine. La peinture que vous me faites de vos orages est tellement belle et poétique, que mon imàgination en a été réjouie.

  1. 30. « Lui fait prendre intérêt. » (Édition de 1754.)
  2. 31. « Pour les autres. » (Ibidem.)
  3. 32. «  Cette pénitente et sainte princesse. » (Ibidem.)