Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/304

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seize ans les dernières traces du maréchal de la Meilleraye. Trouvez-vous bien noble et bien juste de se faire un mérite de dégrader, ce beau gouvernement ? N’est-ce pas l’intérêt commun des grands seigneurs, des grands gouverneurs ? Ne doivent-ils point se mirer dans cet exemple ? J’en connois deux ou trois qui l’ont vivement senti par rapport à eux, et ce ne peut pas être un de ce corps qui se soit fait un tel divertissement. Hélas! ces pauvres gouverneurs, que ne font-ils point pour plaire à leur maitre ? avec quelle joie, avec quel zèle ne courent-ils point à l’hôpital pour son service ? comptent-ils pour quelque chose leurs santés, leurs plaisirs, leurs affaires, leurs vies, quand il est question de lui obéir et de lui plaire ? et on leur plaindra un honneur[1], une distinction, une occasion de faire plaisir à des gens de qualité dans une province ! Et pourquoi veulent-ils être aimés et honorés, faire donc les rois[2] ? n’est-ce pas pour le service du vrai roi ? est-ce pour eux ? Hélas! ils sont si passionnés pour sa personne, qu’ils ne souhaitent que de quitter ces grands rôles de comédie, pour le venir regarder à Versailles, quand même ils devroient n’en être pas regardés[3], et on plaindra à ces pauvres gens-là[4] des grandeurs dont ils font un si bon usage ! Mais, mon enfant, est-il possible que vous ne pensiez point comme moi ? Monsieur de Grignan, venez donc à mon secours, soutenez-moi, c’est votre affaire : si vous m’abandonnez,

  1. 22. Ces mots: « et on leur plaindra un honneur, » ont été sautés dans notre manuscrit.
  2. 23. « Et faire donc les rois. » (Éditions de 1737 et de 1754.)
  3. 24. « Qu’ils ne souhaitent de quitter ces grands rôles de comédie que pour le venir regarder à Versailles, quand même ils n’en devroient pas être regardés.
  4. 25. « Et on plaindra à ces gens-là. » (Ibidem.) « Et on leur plaindra. » (Édition, de 1754.)