Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/33

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1168. DE MADAME DE SÉVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

A Chaulnes, ce vendredi 22è avril.

J’ATTENDS vos lettres, ma chère fille : on les reçoit ici trois fois la semaine. C’est dommage de partir d’un lieu si beau et si charmant, et où l’on trouve cette consolation mais vous savez[1] que l'on souffre tout, hors le bien-être ; il s'en faut pourtant beaucoup que je croie le trouver où vous n'êtes pas.[2] Nous partons d’ici dimanche avec un temps admirable, qui nous a donné ici en trois jours toutes les beautés du printemps. Nous irons coucher à Amiens, et de là, par Rouen et la Normandie, nous gagnerons la Bretagne. Je vous écrirai de tous les lieux que je pourrai. Je serai quelques jours seulement à Rennes, pour voir M. de Chaulnes, et puis je m’en irai aux Rochers ; je mourrois de faire longtemps la vie de Rennes. Mais comprenez-vous bien l’impatience que j’ai de recevoir vos lettres, et de savoir si vous avez été saignée, et comment[3] cette bonne tête, qui ne vous avoit jamais fait aucun mal, et dont vous vous louiez tant au milieu de vos autres maux[4] se trouve de l’air de Grignan ? Que je hais ces sortes de vapeurs d’épuisement! qu’elles sont difficiles à guérir, quand le remède est de

  1. LETTRE 1168.-- 1. L'édition de 1754 commence ainsi la lettre : « c'est dommage de partir d’un lieu si beau, si charmant et où l'on reçoit vos lettres trois fois la semaine; vous savez, etc. ».
  2. 2. Ce dernier membre de phrase : « il s’en faut pourtant, etc. » n'est pas dans le texte de 1737 qui donne au commencement de la phase suivante: « nous en partons dimanche…
  3. 3. « Je ne pourrois soutenir longtemps la vie de Rennes. Mais comprenez-vous bien l’impatience que j’ai de savoir de vos nouvelles, et comment, etc. » (Édition de 1787.)
  4. 4. Ce membre de phrase : «et dont vous vous louiez tant manque dans l'édition de 1754. »