Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/340

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Vous avez donc été frappée du mot de Mme de la Fayette, mêlé avec tant d’amitié[1]. Quoique je ne me laisse pas oublier cette vérité, j’avoue que j’en fus tout étonnée car je ne me sens aucune décadence encoreErreur de référence : Balise fermante </ref> manquante pour la balise <ref> des réflexions et des supputations, et je trouve les conditions de la vie assez dures. Il me semble que j’ai été traînée, malgré moi, à ce point fatal où il faut souffrir la vieillesse ; je la vois, m’y voilà, et je voudrois bien au moins ménager de ne pas aller plus loin, de ne point avancer dans ce chemin des infirmités, des douleurs, des pertes de mémoire, des défigurements qui sont près de m’outrager, et j’entends une voix qui dit « II faut marcher malgré vous, ou bien, si vous ne voulez pas, il faut mourir, » qui est une extrémité où la nature répugne[2]. Voilà pourtant le sort de tout ce qui avance un peu trop mais un retour à la volonté de Dieu, et à cette loi universelle où nous sommes condamnés[3], remet la raison à sa place, et fait prendre patience : prenez-la donc aussi, ma très-chère enfant, et que votre amitié trop tendre ne vous fasse pas jeter des larmes que votre raison doit condamner.

Je n’eus pas une grande peine à refuser les offres de mes amies ; j’avois à leur répondre Paris est en Provence, comme vous Paris est en Bretagne ; mais il est extraordinaire que vous le sentiez comme moi. Paris est

  1. 13. Mme de la Fayette écrivait à Mme de Sévigné, le 8 octobre précédent (voyez ci-dessus, p. 244} : «….. Vous êtes vieille…… vous vous ennuierez, votre esprit deviendra triste, et baissera, etc. Mme de la Fayette avait cinq ans de moins que Mme de Sévigné.
  2. 16. « A quoi la nature répugne, » (Ibidem.)
  3. 17. « Et à cette loi universelle qui nous est imposée. » (Ibidem.)