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rai les contenter, comme je l’espérois car je me trouve suffoquée par l’obligation de payer tout à l’heure cinq mille francs de lods et ventes des terres de Mme d’Acigné[1] que j’ai achetées, pour n’en pas payer dix si j’attendois encore deux ans. Ainsi me voilà, mais ce n’est que pour vous dire la douleur que me donne mon extrême impossibilité. Votre frère m’a paru sensible à votre peine, et je suis sûre qu’il feroit mieux son devoir que vos riches P.[2] si le temps étoit comme autrefois, c’est-à-dire qu’on trouvât à emprunter. Il veut vous parler lui-même, et vous dire comme il pense, sur ce qui vous regarde. Je lui ai fait voir aussi l’embarras où se trouve assurément votre jeune colonel ; il m’en avoit parlé le premier il y a quelque temps, plaignant et regrettant, tout comme nous, que Monsieur le chevalier ne conduisît point ses premières années : rien n’eût été si bon qu’un tel maître. Enfin, ma très-chère, il n’y a que Dieu qui puisse arrêter une si grande quantité de choses fâcheuses dans les bornes de la résignation où vous me paroissez. Pour revenir à mon fils, il étoit en peine de voir un jeune enfant de dix-sept à dix-huit ans à la tête d’une si grosse troupe. Il se souvient assez du temps passé pour savoir que c’est une affaire à cet âge que de commander d’anciens officiers; et ce n’en eût pas été une, s’il avoit eu son oncle pour l’établir : cet endroit est trèsfâcheux et très-délicat. Ne pourriez-vous point lui donner quelque bonne tête pour le conseiller un peu ? car enfin il est seul, et ne peut pas savoir, à son âge, un métier qui demande de l’expérience plus que tout autre. Je vous ai exhortée à faire venir le marquis droit à Grignan :que fera-t-il d’un carnaval à Paris et à Versailles, où l’on

  1. LETTRE 12S7. 1. Voyez tome VII, p. 48, note 5.
  2. 2. Évidemment « vos riches prélats; » nous reproduisons le texte de l’édition de 1764, notre seule source pour cette lettre.