Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/481

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planter là ? Je ne le souffrirai point : je veux absolument savoir ce qu’est devenue cette bonne et juste résolution de la princesse ; j’ai bien peur qu’elle ne se soit évanouie par la nécessité des affaires, par le besoin qu’on a du ministre, par le voyage précipité, par l’impossibilité de ramasser les feuilles de la Sibylle follement et témérairement dissipées et jetées en l’air[1] pendant dix ans. Enfin je crains que toutes vos bonnes intentions ne servent de rien, comme je l’ai vu tant de fois depuis vingt ans : il faut une suite à cette histoire, qui n’est que trop sérieuse par rapport à vos affaires. Il faut que je sache aussi le succès du voyage de M. Prat[2] auprès de l’amant forcené de la princesse Truelle. Je voudrois bien savoir qui étoient ces confidents du premier ministre et de la favorite, qui recevoient les courriers. Dites-moi si vous êtes toujours contente de Flame[3] : c’est un personnage bien considérable dans votre grande maison. Je vous demande des nouvelles du voyage de ce Comte, et si le trésorier fera selon ses intentions : voilà, ma très-chère, bien des questions : je vous en fais des excuses. Vous êtes trop aimable d’aimer mes lettres : quand vous en recevez trois à la fois, vous dites que vous êtes riche ; mais quelle fatigue ! elles sont d’une longueur qui devroit vous empêcher d’y répondre si exactement. Adieu, ma chère belle : comment vous portez-vous du carême? pour moi, je m’en trouve fort bien. J’ai pris ce matin du tripotage de café avec du lait ; je n’en suis point encore dégoûtée, non plus que des sermons ; car nous ne tâtons que de ceux de M. le Tourneux et de saint Jean Chrysostome.

  1. 4. Allusion aux vers 74 et 75 du livre VI de l'Enéide de Virgile.
  2. 5. Voyez tome II, p. 41, note 1, et ci-dessus, p. 210, note 24.
  3. 6. Maître d’hôtel de M. de Grignan. (Note de Perrin.), Voyez ci-dessus, p. 181, note 1.