Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/49

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Adieu, ma très-aimable : je vous embrasse mille fois. Vous voilà donc [1]dans la poussière de vos bâtiments.

1174- DE MADAME DE SÉVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

A Dol, ce lundi 9è mai.

Nous arrivâmes hier ici, ma chère Comtesse, assez fatiguées, et les équipages encore plus. C’est ce même lieu où je vins voir M. et Mme de Chaulnes, il y a quatre ans.[2]Nous sommes venues de Caen en deux jours à Avranches

nous avons trouvé le bon évêque [3]de cette ville mort et enterré depuis huit jours ; c’étoit l’oncle de Tessé[4] un saint évêque, qui avoit si peur de mourir hors de son diocèse, que pour éviter ce malheur, il n’en sortoit point du tout
il y en a d’autres qu’il fàudroit que la mort tirât bien juste pour les y attraper. Nous avons trouvé tous ses gens en pleurs. L’ombre de ce bon évêque n’a pas laissé [5]de nous donner un très-bon souper et de nous loger. Je voyois de ma chambre la mer et le mont Saint-Michel, ce mont si orgueilleux, que vous avez vu si fier, et qui vous a vue si belle : je me suis sou-
  1. 14. « Adieu, ma chère fille. Vous voilà donc, etc. » (Édition de 1737.)
  2. LETTRE 1174. 1. Voyez la lettre du 1er août 1685, tome VII, p. 432 et 433.
  3. 2. Gabriel-Philippe de Froulay de Tessé, évèque d’Avranches du 20 janvier 1669 au mois de mai 1689, époque de sa mort. Il fut le prédécesseur immédiat de Huet.
  4. 3. Voyez la lettre du 13 avril précédent, ci-dessus, p. 19, note 9.
  5. 4. « Nous avons trouvé tous les gens de ce bon prélat en pleurs; son ombre n’a pas laissé, etc. » (Édition de 1754.)