Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/561

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I291. DE MADAME DE GRIGNAN A MONSIEUR DE POMPONE.

À Grignan, ce 18è juillet.

QU’il est aisé Monsieur, de se représenter la sensible joie que vous donne la gloire que vient d’acquérir M. le chevalier de Pompone ! Quel bonheur qu’il soit échappé au péril qu’il a couru, et qu’au lieu de vous coûter des larmes, vous goûtiez le solide plaisir de l’estimer autant que vous l’aimez, et de le voir distingué et loué du Roi et de toute la France ! C’est une agréable lecture pour vous, Monsieur, que celle des relations et des gazettes, dans lesquelles vous voyez qu’il ne sera jamais parlé de la bataille dé Fleurus[1], sans que Monsieur votre fils soit nommé avec l’éloge que mérite celui qui en a commencé le bonheur, et donné l’exemple de la plus brillante valeur[2]. Je puis vous assurer, Monsieur, que je n’ai point encore lu cette action et tout ce qu’il a fait dans la suite de la bataille, sans avoir les larmes aux yeux en songeant à ce que vous et Mme de Pompone sentiriez en l’apprenant. Je n’ai point songé à lui, car il a la mine de ne pas compter pour beaucoup de n’être point mort, et d’avoir fait tout ce qu’on peut faire de beau. Mais- pour vous, Monsieur, qui en connoissez mieux le prix, trouvez bon que je vous dise que j’entre dans vos sentiments avec une tendresse qui vous feroit plaisir et qui vous doit per-

  1. LETTRE 1291 (revue sur l’autographe). -- 1. Dans l’autographe Flerus, comme dans la Gazette (p. 323, 328, etc.), qui dans sa seconde relation (p. 349 et suivantes) écrit Fleurus.
  2. 2. Antoine-Joseph Arnauld, chevalier de Pompone, colonel du régiment de ce nom (voyez la lettre du 19 juin 1689, p. 85), prépara le succès de la bataille de Fleurus, gagnée par le maréchal.de Luxembourg, en emportant deux redoutes élevées sur les bords de la Sambre. (Note de l’édition de 1818.) Voyez ci-dessus, p. 537, note 4.