Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/120

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chambre : je le vis promptement, et ceux qui virent que je le vovais me surent bon gré de l’avoir vu, et se mirent à rire. Elle a été plongée dans la mer[1], la mer l’a vue toute nue, et sa fierté en est augmentée ; j’entends la fierté de la mer ; car pour la belle, elle en est fort humiliée.

Les coiffures hurluberlu m’ont fort divertie ; il y en a que l’on voudrait souffleter. La Choiseul ressemblait, comme dit Ninon, à unprintemps d’hôtellerie comme deux gouttes d’eau : cette comparaison est excellente. Mais qu’elle est dangereuse, cette Ninon ! Si vous saviez comme elle dogmatise sur la religion, cela vous ferait horreur. Son zèle pour pervertir les jeunes gens est pareil à celui d’un certain M. de Saint-Germain que nous avons vu une fois à Livry. Elle trouve que votre frère a la simplicité de la colombe ; elle ressemble à sa mère ; c’est madame de Grignan qui a tout le sel de la maison, et qui n’est pas si sotte que d’être dans cette docilité. Quelqu’un pensa prendre votre parti, et voulut lui ôter l’estime qu’elle a pour vous ; elle le fit taire, et dit qu’elle en savait plus que lui. Quelle corruption ! quoi ! parce qu’elle vous trouve belle et spirituelle, elle veut joindre à cela cette autre bonne qualité, sans laquelle, selon "ses maximes, on ne peut être parfaite ! Je suis vivement touchée du mal qu’elle fait à mon fils sur ce chapitre : ne lui eu mandez rien ; nous faisons nos efforts, madame de la Fayette et moi, pour le dépêtrer d’un engagement si dangereux. Il a de plus une petite comédienne[2], et tous les Despréaux et les Racine, et paye les soupers : enfin, c’est une vraie diablerie. Il se moque des Mascaron, comme vous avez vu ; vraiment il lui faudrait votre minime[3]. Je n’ai jamais rien vu de si plaisant que ce que vous m’écrivez là-dessus ; je l’ai lu à M. de la Rochefoucauld ; il en a ri de tout son cœur. Il vous mande qu’il y a u*u certain apôtre qui court après sa côte, et qui voudrait bien se l’approprier comme son bien ; mais il n’a pas l’art de suivre les grandes entreprises. Je pense que Mellusine est dans un trou ; nous n’en entendons pas dire un seul mot. M. de la Rochefoucauld vous dit encore que s’il avait seulement trente ans de moins, il eu voudrait fort à la troisième côte [4]de M. de Grignan. L’endroit

  1. Voyez la lettre du 13 mars 1671, p. 99.
  2. La champmélé.
  3. Le minime qui prêchait à Grignan.
  4. C’est-à-dire à madame de Grignan, qui était la troisième femme de M. de Grignan.