Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

maux ; mais je la veux chrétienne ; elle est trop creuse et trop inutile autrement. Ma Mousse me trouve quelquefois assez raisonnable là-dessus ; et' puis un souffle, un rayon de soleil emporte toutes les réflexions du soir.

Je suis fort aise que vous ayez trouvé cette requête[1] jolie ; sans être aussi habile que vous, je l’ai entendue per cliscrezione, elle m’a paru admirable. La Mousse est fort glorieux d’avoir fait en vous une si merveilleuse écolière[2].

Je vous plains de quitter Grignan, vous êtes en bonne compagnie ; c’est une belle maison, une belle vue, un bel air : vous allez dans une petite ville étouffée[3], où peut-être il y aura des maladies et du mauvais air ; et ce pauvre Coulanges, qui ne vous trouvera point ! il me fait pitié. Enfin, sa destinée n’est pas de vous voir à Grignan ; peut-être le mènerez- vous à vos états : mais c’est une grande différence ; et vous devez bien sentir le désagrément de ce voyage, dans l’état où vous êtes et dans la saison où nous sommes. Vous y verrez l’effet des protestations de M. de Marseille ; je les trouve bien sophistiquées, et avec de grandes restrictions. Les assurances que je lui donne de mon amitié sont à peu près dans le même style : il vous assure de son service, sous condition ; et moi, je l’assure de mon amitié, sous condition aussi, en lui disant que je ne doute point du tout que vous n’ayez toujours de nouveaux sujets de lui être obligée.

M. de Lavardin vint tout droit de Rennes ici jeudi au soir, et me conta les magnificences de la réception qu’on lui a faite. Il prêta le serment au parlement, et fit une très-agréable harangue. Je le remenai le lendemain à Vitré, pour reprendre son équipage et gagner Paris.

Je serai ici jusqu’à la fin de novembre, et puis j’irai embrasser et mener chez moi mes petites entrailles ; et au printemps si Dieu me prête vie, je verrai la Provence. Notre abbé le souhaite pour vous aller voir avec moi, et vous ramener ; il y aura bien longtemps que vous serez en Provence. Il est vrai qu’il ne faudrait s’attachera rien, et qu’à tout moment on se trouve le cœur arraché

  1. Arrêt burlesque pour le maintien de la doctrine d’Aristote contre la raison. Voy. le Mcnagiana, t. IV, p. 271, édition de Paris, 1715, et les Œuvres de Boileau.
  2. Dans la philosophie de Descartes.
  3. Lambese, petite ville de Provence, où se tient rassemblée des états de la province.