Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/175

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aise de faire voir son esprit à ce bon vieillard, et d’attirer sa juste admiration ; il témoigna qu’il était plein du plaisir d’avoir choisi M. de Pomponne, qu’il l’attendait avec impatience, qu’il aurait soin de ses affaires, sachant qu’il n’était pas riche. Il dit au bonhomme qu’il y avait de la vanité à lui d’avoir mis dans sa préface de Josèphe qu’il avait quatre-vingts ans ; que c’était un péché ; enfin on riait, on avait de l’esprit. Le roi ajouta qu’il ne fallait pas croire qu’il le laissât en repos dans son désert ; qu’il l’enverrait quérir ; qu’il voulait le voir comme un homme illustre par toutes sortes de raisons. Comme le bonhomme l’assurait de sa fidélité, le roi dit qu’il n’en doutait point ; et que quand on servait bien Dieu, on servait bien son roi. Enfin ce furent des merveilles ; il eut soin de l’envoyer dîner, et de le faire promener dans une calèche : il en a parlé un jour entier en l’admirant. Pour M. d’Andilly, il est transporté, et dit de moment en moment, sentant qu’il en a besoin : Il faut s’humilier. Vous pouvez penser la joie que cela me causa, et la part que j’y prends. Je voudrais bien que mes lettres vous donnassent autant de plaisir que les vôtres m’en donnent. Ma chère enfant, je vous embrasse de tout mon cœur.


69. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

Aux Rochers, mercredi 30 septembre 1671.

Je crois qu’à présent l’opinion léonique est la plus assurée ; il voit de quoi il est question, et si la matière raisonne ou ne raisonne pas, et quelle sorte de petite intelligence Dieu a donnée aux bêtes, et tout le reste. Vous voyez bien que je le crois dans le ciel ; o cke spero ! Il mourut lundi matin ; je fus à Vitré, je le vis, et je voudrais ne l’avoir point vu. Son frère l’avocat général me parut inconsolable ; je lui offris de venir pleurer en liberté dans mes bois : il me dit qu’il était trop affligé pour chercher cette consolation. Ce pauvre petit évêque avait trente-cinq ans ; il était établi, il avait un des plus beaux esprits du monde pour les sciences ; c’est ce qui l’a tué : comme Pascal, il s’est épuisé. Vous n’avez pas trop affaire de ce détail, mais c’est la nouvelle du pays, il faut que vous en passiez par 15 ; et puis il me semble que la mort est l’affaire de tout le monde, et que les conséquences viennent bien droit jusqu’à nous.

Je lis M. Nicole avec un plaisir qui m’enlève ; surtout je suis charmée du troisième traité, Des moyens de conserver la paix