Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/216

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corps, que MM. de Charost lui cèdent. Raisonnez là-dessus, et voyez si M. de Duras ne vous paraît pas plus heureux que M. de Charost. Cette place est d’une Wk\e beauté, par la confiance qu’elle marque et par l’honneur d’être proche de Sa Majesté, qu’elle n’a point de prix. M. de Duras, pendant son quartier, suivra le roi à l’armée, et commandera à toute la maison de Sa Majesté. Il n’y a point de dignité qui console de cette perte ; cependant on entre dans le sentiment du maître, et l’on trouve que messieurs de Charost[1] doivent être contents. Que notre ami Noailles prenne garde à lui, on dit qu’il lui en pend autant à l’œil ; car il n’a qu’un œil aussi bien que les autres.

On parle toujours de la guerre : vous pouvez penser combien j’en suis fâchée : il y a des gens qui veulent encore faire des almanachs[2] ; mais pour cette campagne, ils sont trompés. Toute mon espérance, c’est que la cavalerie ne sera pas exposée aux sièges que l’on fera chez les Hollandais ; il faut vivre pour voir démêler toute cette fusée. J’ai vu le marquis de Vence : je le trouvai si jeune, que je lui demandai comment se portait madame sa mère ; M. de Coulanges me redressa : le cardinal de Retz interrompit notre conversation, mais ce ne fut que pour parler de vous. Je souhaite toujours Adhémar, pour meredire encore mille fois que vous m’aimez : vous m’assurez que c’est avec une tendresse digne de la mienne ; si je ne suis contente de cette ressemblance, je suis bien difficile à contenter.

Je viens de recevoir votre lettre du jour des Cendres : en vérité, ma fille, vous me confondez par vos louanges et par vos remercîments ; c’est me faire souvenir de ce que je voudrais faire pour vous, et j’en soupire, parce que je ne me contente pas moi-même ; et plût à Dieu que vous fussiez si pressée de mes bienfaits, que vous fussiez contrainte de vous jeter dans l’ingratitude ! Nous avons souvent dit que c’est la vraie porte pour en sortir honnêtement, quand on ne sait plus où donner delà tête ; mais je ne suis pas assez heureuse pour vous réduire à cette extrémité : votre reconnaissance suffit et au delà. Que vous êtes aimable ! et que vous me dites plaisamment tout ce qui se peut dire là-dessus ! Au reste, quelle folie

  1. Armand de Béthune, marquis de Charost, avait épousé Marie Fouquet, fille du surintendant.
  2. C’est-à-dire des pronostics. On donnait alors ce sens au mot almanach à cause des prédictions qu’on y trouvait.