Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/262

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bonnes heures avec lui et mademoiselle Lavocat, qui est très-jolie. M. de Pomponne a très-bien compris ce que nous souhaitons de lui, en cas qu’il vienne un courrier, et il le fera sans doute ; mais il dit une chose vraie, c’est que votre syndic sera fait avant qu’on entende parler ici de la rupture de votre conseil ; il croit que présentement c’en est fait. De vous conter tout ce qui s’est dit d’agréable et d’obligeant pour vous, et quelles aimables conversations on a avec ce ministre, tout le papier de mon porte-feuille n’y suffirait pas ; en un mot, je suis parfaitement contente de lui ; soyez-le aussi sur ma parole ; il sera ravi de vous voir, et il compte sur votre retour.

Nous avons lu avec plaisir une grande partie de vos lettres ; vous avez été admirée, et dans votre style, et dans l’intérêt que vous prenez à ces sortes d’affaires. Ne me dites donc plus de mal de votre façon d’écrire ; on croit quelquefois que les lettres qu’on écrit ne valent rien, parce qu’on est embarrassé de mille pensées différentes ; mais cette confusion se passe dans la tête, tandis que la lettre est nette et naturelle. Voilà comme sont les vôtres. Il y a des endroits si plaisants, que ceux à qui je fais l’honneur de les montrer en sont ravis. Adieu, ma très-aimable enfant ; j’attends votre frère tous les jours ; et pour vos lettres, j’en voudrais à toute heure.


117. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, lundi 11 décembre 1673.

Je viens de Saint-Germain, où j’ai été deux jours entiers avec madame de Coulanges et M. de la Rochefoucauld ; nous logions chez lui. Nous fîmes le soir notre cour à la reine, qui me dit bien des choses obligeantes pour vous ; mais s’il fallait vous dire tous les bonjours, tous les compliments d’hommes et de femmes, vieux et jeunes, qui m’accablèrent et me parlèrent de vous, ce serait nommer quasi toute la cour ; je n’ai rien vu de pareil : Et comment se porte madame de Grignan ? quand reviendra-t-elle ? et ceci, et cela : enfin, représentez-vous que chacun, n’ayant rien à faire et me disant un mot, me faisait répondre à vingt personnes à la fois. J’ai dîné avec madame de Louvois ; il y avait presse à qui nous en donnerait. Je voulais revenir hier ; on nous arrêta d’autorité, pour souper chez M. de Marsillac, dans son appartement enchanté, avec madame de Thianges, madame Scarron, M. le Duc, M. de la