Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/261

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vous allez nommer, comme nous, M. de Marsillac : elle ni lui ne veulent point l’un de l’autre ; les autres ducs sont trop jeunes : M. de Foix est pour mademoiselle de Roquelaure. Cherchez un peu de votre côté, car cela presse. Voilà un grand détail, ma chère petite ; mais vous m’avez dit quelquefois que vous les aimiez.

L’affaire ^Orange fait ici un bruit très-agréable pour M. de Grignan : cette grande quantité de noblesse qui l’a suivi par le seul attachement qu’on a pour lui ; cette grande dépense, cet heureux succès, car voilà tout ; tout cela fait honneur et donne de la joie à ses amis, qui ne sont pas ici en petit nombre. Le roi dit à souper : « Orange est pris, Grignan avait sept cents gentilshommes « avec lui ; on a tiraillé du dedans, et enfin on s’est rendu le troisième jour : je suis fort content de Grignan. » On m’a rapporté ce discours, que la Garde sait encore mieux que moi. Pour notre archevêque de Reims, je ne sais à qui il en avait ; la Garde lui pensa parler de la dépense. Bon ! dit-il, de la dépense, voilà toujours comme on dit ; on aime à se plaindre. — Mais, monsieur, lui dit-on, M. de Grignan ne pouvait pas s’en dispenser, avec tant de noblesse qui était venue pour l’amour de lui. — Dites pour le service du roi. — Monsieur, répliqua-t-on, il est vrai ; mais il n’y avait point d’ordre, et c’était pour suivre M. de Grignan, à l’occasion du service du roi, que toute cette assemblée s’est faite. Enfin, ma fille, cela n’est rien ; vous savez que d’ailleurs il est très-bon ami : mais il y a des jours où la bile domine, et ces jourslà sont malheureux. On me mande des nouvelles de nos états de Bretagne. M. le marquis de Coëtquen le fils a voulu attaquer M. d’Harouïs, disant qu’il était seul riche, pendant que toute la Bretagne gémissait ; et qu’il savait des gens qui feraient mieux que lui sa charge. M. Boucherat, M. de Lavardin et toute la Bretagne Font voulu lapider, et ont eu horreur de son ingratitude, car il a mille obligations à M. d’Harouïs. Sur cela il a reçu une lettre de madame de Rohan qui lui mande de venir à Paris, parce que M. de Chaulnes a ordre de lui défendre d’être aux états ; de sorte qu’il est disparu la veille de l’arrivée du gouverneur ; il est demeuré en abomination par l’infâme accusation qu’il voulait faire contre M. d’Harouïs. Voilà. ma bonne, ce que vous êtes obligée d’entendre à cause de votre nom.

Je viens de voir M. de Pomponne ; il était seul ; j’ai été deux