Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/283

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Sa Majesté vivait avec tout le monde, et surtout avec M. le Prince et M. le Duc : tous ces détails sont fort agréables à entendre.

Au reste, ma fille, cette cassolette est venue ; elle ressemble assez à un jubilé[1] : elle pèse plus, et est beaucoup moins belle que nous ne pensions : c’est une antique qui s’appelle donc une cassolette, mais rien n’est plus mal travaillé ; cependant c’est une vraie pièce à mettre à Grignan, et nullement à Paris : notre bon cardinal a fait de cela comme de sa musique, qu’il loue, sans s’y connaître ; ce qu’il y a à faire, c’est de l’en remercier tout bonnement, et ne pas lui donner la mortification de croire que l’on n’est pas charmé de son présent : il ne faut pas aussi vous figurer que ce présent soit autre chose, selon lui, qu’une pure bagatelle, dont le refus serait une très-grande rudesse. Je m’en vais l’en remercier en attendant votre lettre. Quand je vous ai proposé de lui conseiller de s’amuser à écrire son histoire, c’est qu’on m’avait dit de le lui conseiller de mon côté, et que tous ses amis ont voulu être soutenus, afin qu’il parût que tous ceux qui l’aiment sont dans le même sentiment.

Madame la grande duchesse et madame de Sainte-Même[2] ont fort parlé ici de votre beauté. J’aurais vu cette princesse, sans notre voyage de Pomponne : tout le monde la trouve comme vous l’avez représentée, c’est-à-dire d’une tristesse effroyable. Madame de Montmartre[3] alla s’emparer d’elle à Fontainebleau : on lui prépare une affreuse prison.

Madame de Montlouet a la petite vérole ; les regrets de sa fille sont infinis ; et la mère est au désespoir de ce que sa fille ne veut point la quitter pour aller prendre Tair, comme on lui ordonne : pour de l’esprit, je pense qu’elles n’en ont pas du plus fin ; mais pour des sentiments, ma belle, c’est tout comme chez nous, et aussi tendres et aussi naturels. Vous me dites des choses si extrêmement bonnes sur votre amitié pour moi, et à quel rang vous la mettez, qu’en vérité je n’ose entreprendre de vous dire combien j’en suis touchée, et de joie, et de tendresse, et de reconnaissance ; mais vous le comprendrez aisément, puisque vous croyez savoir à quel point, je vous aime : le dessous de vos cartes est agréable pour moi. M. de Pomponne disait, en demeurant d’accord que rien n’est général : « Il paraît que madame de Sévigné aime passionnément

  1. C’est-à-dire à une vieille pendule.
  2. Femme du premier écuyer de la grande duchesse de Toscane.
  3. Françoise-Renée de Lorraine de Guise, abbesse de Montmartre.