Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/328

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rait en négociation ; niais on aime mieux les maux que les remèdes Notre cardinal est à Commerci comme à l’ordinaire ; le pape ne lui laisse pas la liberté de suivre son goût. L’intendante est-elle avec vous ? Vous me direz oui ou non dans trois semaines. Ah ! ma fille, vous avez eu trop bonne opinion de moi à la Toussaint ; ce fut le jour que M. Boucherai et son gendre vinrent dîner ici, de sorte que je ne fis point mes dévotions. La princesse était à l’oraison funèbre de Scaramouehe, faisant honte aux catholiques : cette vision est fort plaisante. Je souhaite fort que M. l’archevêque fasse le mariage qui vous est si bon. Je crois que mon fils s’en va dans les quartiers de fourrages, qui signifient bientôt après ceux d’hiver.

Je veux qu’en mon absence M. de Coulanges vous mande de certaines choses qu’on aime à savoir. Vous me proposez pour régime une nourriture bien précieuse ; je ne vous réponds pas tout à fait de vous obéir ; mais, en vérité, je ne mange pas beaucoup, je ne regarde pas les châtaignes, je ne suis point du tout engraissée ; mes promenades de toutes façons m’empêchent de profiter de mon oisiveté. Mademoiselle de Noirmoutiers s’appellera madame de Royau ; vous dites vrai, le nom d’Olonne est trop difficile à purifier. Adieu, ma chère enfant ; vous êtes donc persuadée que j’aime ma fille plus que les autres mères : vous avez raison, vous êtes la chère occupation de mon cœur, et je vous promets de n’en avoir jamais d’autre, quand même je trouverais eu mon chemin une fontaine de Jouvence. Pour vous, ma fille, quand je songe comme vous avez aimé le chocolat, je ne sais si je ne dois point trembler ; puis-je espérer d’être plus aimable, et plus parfaite, et plus toutes sortes de choses ? Il vous faisait battre le cœur ; peut-on se vanter de quelque fortune pareille ? vous devriez me cacher ces sortes d’inconstances. Adieu, ma très-chère comtesse ; mandez-moisi vous dormez, si vous n’êtes point bresillée, si vous mangez, si vous avez le teint beau, si vous n’avez point mal à vos belles dents : mon Dieu ! que je voudrais bien vous voir et vous embrasser !