Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/396

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cet état ? Je ne me dédis point de ce que j’en ai toujours pensé : mais je crois que par tendresse on devait souhaiter qu’il fût déjà où son bonheur l’appelle. Pauline me paraît digne d’être votre jouet ; sa ressemblance même ne vous déplaira point ; du moins je l’espère. Ce petit nez carré[1] est une belle pièce à retrouver chez vous. Je trouve plaisant que les nez de Grignan n’aient voulu permettre que celui-là, et n’aient point voulu entendre parler du vôtre ; c’eût été bien plus tôt fait : mais ils ont eu peur des extrémités, et n’ont point craint cette modification. Le petit marquis est fort joli ; et, pour n’être pas changé en mieux, il ne faut pas que vous en ayez du chagrin. Parlez-moi souvent de ce petit peuple, et de l’amusement que vous y trouvez. Je revins dimanche de Livry. Je n’ai point vu le coadjuteur, ni aucun Grignan, depuis que je suis ici. Je laisse à la Garde à vous mander les nouvelles ; il me semble que tout est comme auparavant. Io est dans les prairies en toute liberté, et n’est observée par aucun Argus : Junon tonnante et triomphante[2]. Corbinelli revient[3] ; je m’en vais dans deux jours le recevoir à Livry. Le cardinal l’aime autant que nous ; le gros abbé m’a montré des lettres plaisantes qu’ils vous écrivent. Enfin, après avoir bien tourné, notre âme estverte ; c’a été un grand jeu pour son éminence qu’un esprit neuf comme celui de notre ami. Adieu, ma très-chère, continuez de m’aimer ; instruisez -moi de vous en peu de mots ; car je vous recommande toujours de retrancher vos écritures. Pour moi, je n’ai que votre commerce uniquement, et j’écris une lettre à plusieurs reprises. Je crois que madame de Coulanges n’ira point à Lyon, elle a trop d’affaires ici. Oh ! que je fais de poudre[4] ! D’où vient que vous avez une sœur[5], et que ce n’est pas madame de Rochebonne ? Je vous souhaiterais pour l’une les mêmes sentiments que pour l’autre ; mais il me semble que ce n’est pas tout à fait la même chose.

  1. Comme celui de madame de Sévigné.
  2. Allusion relative à madame de Ludres et à madame de Montespan.
  3. De Commercy, où il était allé voir le cardinal de Retz.
  4. Allusion a une fable de la Mouche, envoyée par madame de Grignan.
  5. La marquise de Saint Andiol, sœur de M. de Grignan.