Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/414

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velle ne vous étonnerait pas au mois de septembre. Si vous aviez été Noé, comme vous disiez l’autre jour, nous n’aurions pas trouvé tant d’embarras. Je veux vous dire un mot de ma santé ; elle est parfaite, les eaux m’ont fait des merveilles, et je trouve que vous vous êtes fait un dragon de cette douche : si j’avais pu le prévoir, je me serais bien gardée de vous en parler ; je n’eus aucun mal de tête ; je me trouvai un peu de chaleur à la gorge ; et comme je ne suai pas beaucoup la première fois, je me tins pour dit que je n’avais pas besoin de transpirer comme l’année passée : ainsi, je me suis contentée de boire à longs traits, dont je me porte très-bien : il n’y a rien de si bon que ces eaux.


196. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, jeudi 7 octobre 1677.

On ne peut pas avoir pris des mesures plus justes que les vôtres pour me faire recevoir votre lettre en sortant de carrosse. La voilà, je l’ai lue, et l’ai préférée à toutes les embrassades de l’arrivée. M. le coadjuteur, M. d’Hacqueville, le gros abbé[1], M. de Coulanges, madame de la Troche, ont très-bien fait leur devoir d’amis. Le coadjuteur et le d’Hacqueville m’ont déjà fait entendre l’aigreur de Sa Majesté sur ce pauvre curé[2], et que le roi avait dit à M. de Paris : « C’est un homme très-dangereux, qui enseignait une doctrine pernicieuse : on m’a déjà parlé pour lui ; mais plus il a « d’amis, plus je serai ferme à ne le point rétablir. » Voilà ce qu’ils m’ont dit d’abord, qui fait toujours voir une aversion horrible contre nos pauvres frères. Vous m’attendrissez pour la petite ; je la crois jolie comme un ange, j’en serais folle ; je crains, comme vous dites, qu’elle ne perde tous ses bons airs et tous ses bons tons avant que je la voie : ce sera dommage ; vos filles (de Sainte-Marie) d’Aix vous la gâteront entièrement : du jour qu’elle y sera, il faut dire adieu à tous ses charmes. Ne pourriez-vous point l’amener ? Hélas ! on n’a que sa pauvre vie en ce monde ; pourquoi s’ôter ces petits plaisirs-là ? Je sais bien tout ce qu’il y a à répondre là-dessus, mais je n’en veux pas remplir ma lettre : vous auriez du moins de quoi loger cette jolie enfant ; car, Dieu merci, nous avons

  1. L’abbé le Camus de Pontcarré.
  2. Le curé du Saint-Esprit, alors exilé, et recommandé par madame de Grignan.,