Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/447

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de la disgrâce de ce pauvre homme : tout ce que vous me dites de lui me perce le cœur ; quand je songe à cette chute, et combien vous êtes loin de la prévoir, je crains votre surprise. Comme il n’y a rien à ménager avec madame de Vins, je lui montrerai comme vous sentiez ce souvenir obligeant de M. de Pomponne. Hélas ! vous parlez du mariage de M. le Dauphin, d’affaires étrangères, de ministère, et il faut parler de passer peut-être son hiver à Pomponne ; car quoiqu’il dise que non, je crains que le monde ne l’importune. Il a beaucoup de piété ; et si c’est ici le chemin de son salut, il ne perdra guère de temps à se jeter dans la solitude. Quel malheur pour madame de Vins ! et qu’elle le sent bien î II nous prit hier une peur, à Brancas et à moi, que le séjour de Pomponne, qu’il aimé si démesurément, et qui a causé tous ses péchés véniels, ne lui devienne insupportable par un caprice qui arrive souvent : cette trop grande liberté d’y être lui donnera du dégoût, et le fera souvenir que ce Pomponne a contribué à son malheur. Ne sera-ce point comme l’abbé d’Efliat, qui, pour marquer son chagrin contre Veret, disait qu’il avait épousé sa maîtresse ? Mais non, car tout cela est fou, et M. de Pomponne est sage.

Vous me parlez de votre homme de la Trappe ; quoi ? c’était votre recteur de Saint-Andiol ! vous devez avoir eu de grandes conversations avec lui : rien n’est plus curieux que de savoir d’original ce qui se passe dans cette maison. Le dîner que vous me dépeignez est horrible, je ne comprends point cette sorte de mortification ; c’est une juiverie, et la chose du monde la plus malsaine. Les capucins que je vis à Pomponne en ordonnent partout : je ne sais pas si les pauvres gens en savent les conséquences, mais ils ne croient rien de si salutaire ; ils disent qu’un peu d’esprit de sel dans ce qu’on boit chasserait pour jamais toute sorte de néphrétique. Je crois que Villebrune[1] avait senti la vertu de ce présent du ciel. En vérité, je ne suis point édifiée de cette sale mortification. Vous me parlez toujours si bien du soin que vous avez de votre santé, que je ne sais plus que. vous dire : Dieu vous conserve cette attention dont vous sentez l’effet ! si vous en aviez eu ici une petite partie, nous aurions bien abrégé des discours. Celui que vous me faites de madame de Coulanges, et de son chagrin contre la Fare[2],

  1. C’était un ex-capucin qui se mêlait de médecine.
  2. Madame de Coulanges ne pardonnait pas à la Fare d’avoir préféré la bassette à madame de la Sablière.