Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/454

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idée, et que je voulais vous demander des nouvelles de cette sorcière. Là-dessus je reçois votre lettre, et justement vous m’en parlez, comme si vous' m’aviez entendue ; ce hasard m’a paru plaisant : me voilà donc instruite de ce que je voulais vous demander. Je n’ai pas oublié le comte de Suze. M. de Saint-Omer son frère a été à l’extrémité ; il a reçu tous les sacrements ; il ne voulait point être saigné avec une grosse fièvre, une inflammation ; le médecin anglais le fit saigner par force ; jugez s’il en avait besoin ; et ensuite avec son remède il l’a ressuscité, et dans trois jours il jouera à la fossette. Hélas ! cette pauvre lieutenante qui aimait tant M. de Vins, et qui craignait tant qu’on ne le sût pas, la voilà morte, et très-jeune ; mandez-moi de quelle maladie ; je suis toujours surprise de la mort des jeunes personnes. Vous avez raison de vous plaindre que je vous ai mal élevée ; si vous aviez appris à prendre le temps comme il vient, cela vous aurait extrêmement amusée.

N’avez-vous point remarqué la gazette de Hollande ? Elle compte ceux qui ont des charges chez madame la Dauphine : M. de Richelieu, chevalier d’honneur ; M. le maréchal de Bellefonds, premier écuyer ; M. de Saint-Géran, rien. Vous m’avouerez que cela est plaisant. Enfin, cette folie est passée jusqu’en Hollande. Mon fils est toujours les délices de Quimper ; je crois pourtant qu’il est présentement à Nantes, et qu’il sera ici à la fin du mois ; vous voyez bien que je l’ai mieux élevé que vous : j’espère que dans quinze jours il n’y paraîtra pas, et qu’il sera prêt à partir avec les autres. N’écrivez point, et gardez-vous bien de répondre à toutes ces causeries, dont je ne me souviendrai plus moi-même dans trois semaines. Si la santé de Montgobert peut s’accommoder à écrire pour vous, elle vous soulagera entièrement, sans même que vous ayez la pejne de dicter : elle écrit comme nous.

J’approuve fort que vous soupiez ; cela vaut mieux que douze cuillerées de lait. Hélas ! ma fille, je change à toute heure ; je ne sais ce que je veux : c’est que je voudrais que vous pussiez retrouver de la santé ; il faut me pardonner, si je cours à tout ce que je crois de meilleur ; et c’est toujours sous le nom de bien et de mieux que je change d’avis. Pour vous, ma très-chère, n’en changez point sur la bonne opinion que vous devez avoir de vous, malgré les procédés désobligeants de la fortune. En vérité, si elle voulait, M. et madame de Grignan tiendraient fort bien leur