Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/459

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on est tenté de lui dire, Est-il possible que ce seul crime vous soit inconu ? Volonne dit son avis comme un autre, admirant le commerce qu’on a eu avec ces coquines. La reine d’Espagne est quasi aussi enfermée que M. de Luxembourg. Madame de Villars mandait l’autre jour à madame de Coulanges que si ce n’était pour l’amour de M. de Villars, elle ne passerait point son hiver à Madrid. Elle fait des relations fort jolies et fort plaisantes à madame de Coulanges, croyant bien qu’elles iront plus loin[1]. Je suis fort contente d’en avoir le plaisir, sans être obligée d’y répondre. Madame de Vins est de mon avis. M. de Pomponne est allé pour trois jours respirer à Pomponne ; il a tout reçu, il a tout rendu : voilà qui est fait. Il me serre toujours le cœur, quand il me demande si je ne sais point de nouvelles ; il est ignorant comme sur les bords de la Marne : il a raison de calmer son âme tant qu’il pourra. La mienne a été fort émue, aussi bien que celle de l’abbé, de ce que vous écrivez de votre main : vous ne l’avez pas senti, ma chère enfant, il est.impossible de le lire avec des yeux secs. Eh, bon Dieu ! vous compter bonne à rien et inutile partout à quelqu’un qui ne compte que vous dans le monde : comprenez l’effet que cela peut faire. Je vous prie de ne plus dire de mal de votre humeur : votre cœur et votre âme sont trop parfaits pour laisser voir ces légères ombres : épargnez un peu la vérité, la justice, et mon seul et sensible goût. Ma chère enfant, je ne compterai point ma vie que je ne me retrouve avec vous.


218. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 2 février 1680.

Vous avez trop écrit, ma très-chère ; vous vous laissez tenter à l’envie de causer, et vous abusez ainsi de votre délicate santé ; si je succombais aussi aisément à la tentation de vous entendre discourir dans vos lettres, ce serait une belle chose : je m’amuserais au plaisir de vous entendre conter le combat du petit garçon, que vous réduisez en quatre lignes le plus plaisamment du monde : vous dites que vous n’êtes pas forte sur la narration ; et je vous dis, moi qu’on ne peut mieux abréger un récit. Je comprends que vous vous soyez divertie de ce petit garçon qui croit s’être battu à la

  1. Madame de Coulanges passant sa vie à la cour avec madame de Maintenon, même avec mademoiselle de Fontanges, pouvait faire parvenir ces agréables relations jusqu’au roi.