Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/469

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qui vous conduit ne vous aurait pas laissée faire une folie. Vous avez très-habilement évité les récréations. Vous ne médites rien de b petite d’Adhémar ; ne lui avez-vous pas permis d’être dans un petit coin à vous regarder ? La pauvre enfant ! elle était bien heureuse de profiter de cette retraite.

J’étais avant-hier tout au beau milieu de la cour ; madame de Chaulnes enfin m’y mena. Je vis madame la Dauphine, dont la laideur n’est point du tout choquante, ni désagréable ; son visage lui sied mal, mais son esprit lui sied parfaitement ; elle ne fait et ne dit rien qu’on ne voie qu’elle en a beaucoup. Elle a les yeux vifs et pénétrants ; elle entend et comprend facilement toutes choses ; elle est naturelle, et non plus embarrassée ni étonnée que si elle, était née au milieu du Louvre. Elle a une extrême reconnaissance pour le roi, mais c’est sans bassesse ; ce n’est point comme étant au-dessous de ce qu’elle est aujourd’hui, c’est comme ayant été choisie et distinguée dans toute l’Europe. Elle a l’air fort noble, et beaucoup de dignité et de bonté : elle aime les vers, la musique, la conversation ; elle est fort bien quatre ou cinq heures toute seule dans sa chambre ; elle est étonnée de l’agitation qu’on se donne pour se divertir ; elle a fermé la porte aux moqueries et aux médisances : l’autre jour, la duchesse de la Ferté voulut lui dire une plaisanterie comme un secret sur cette pauvre princesse Marianne[1], dont la misère est à respecter ; madame la Dauphine lui dit avec un air sérieux : Madame, je ne suis point curieuse. Mesdames de Richelieu, de Rochefort et de Maintenon me firent beaucoup d’honnêtetés, et me parlèrent de vous. Madame de Maintenon, par un hasard, me fit une petite visite d’un quart d’heure ; elle me conta mille choses de madame la Dauphine, et me reparla de vous, de votre santé, de votre esprit, du goût que vous avez l’une pour l’autre, de votre Provence, avec autant d’attention qu’à la rue desTournelles : un tourbillon me l’emporta, c’était madame de Soubise qui rentrait dans cette cour au bout de ses trois mois, jour pour jour. Elle venait de la campagne ; elle a été dans une parfaite retraite pendant son exil ; elle n’a vécu que du jour qu’elle est revenue. La reine et tout le monde la reçut fort bien. Le roi lui fit une très-grande révérence : elle soutint avec très-bonne mine tous les différents compliments qu’on lui faisait de tous côtés.

M. le Duc me parla beaucoup de M. de la Rochefoucauld, et les

  1. C’était la princesse de Conti.