Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/503

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ne sont pas les bois des Rochers qui me font penser à vous : je îv en suis pas moins occupée au milieu de Paris ; c’est le foud et le centre ; tout passe, tout glisse, tout est par-dessus ou à côté, et ne fait quede légères traces à mon cerveau. J’ai oublié mon Agnès, elle est pourtant jolie ; son esprit a un petit air de province. Celui de madame de Tarente est encore dans le grand air. Les chemins de Vitré ici sont devenus si impraticables, qu’on les fait raccommoder par ordre du roi et de M. de Chaulnes ; tous les paysans de la baronnie y seront lundi. Adieu, ma très-chère : quand je vous dis que mon amitié vous est inutile, ne comprenez-vous point bien comme je l’entends, et où mon cœur et mon imagination me portent ? Pensez-vous que je sois bien contente du peu d’usage que je fais de tant de bonnes intentions ? Dites- moi si vous ne mettrez point la petite d’Aix avec sa tante[1], et si vous ôterez Pauline d’avec vous : c’est un prodige que cette petite, son esprit est sa dot ; voulez-vous la rendre une personne toute commune ? Je la mènerais toujours avec moi, j’en ferais mon plaisir, je me garderais bien de la mettre à Vix avec sa sœur : enfin, comme elle est extraordinaire, je la traiterais extraordinairement.


236. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

Aux Rochers, mercredi 26 juin 1680.

Quand je trouve les jours si longs, c’est qu’en vérité, avec cette durée infinie, ils sont froids et vilains ; nous avons fait deux admirables feux devant cette porte ; c’était la veille et le jour de la Saint-Jean : il y avait plus de trente fagots, une pyramide de fougères qui faisait une pyramide, d’ostentation ; mais c’étaient des feux à profit de ménage, nous nous y chauffions tous ; on ne se couche plus sans fagot, on a repris ses habits d’hiver ; cela durera tant qu’il plaira à Dieu. Vous n’êtes point sujets à ces sortes d’hivers ; dès que votre bise est passée, le chaud reprend le fil de son discours, et Rochecourbières n’est pas interrompu. Savez-vous comme écrit Montgobert ? elle écrit comme nous ; son commerce est fort agréable. Elle me parlait la dernière fois d’un déjeuner qu’elle devait donner dans sa chambre, où vous deviez survenir ; tout cela est tourné plaisamment. Faites-la écrire pour vous, ma très-chère, et reposez-vous en me parlant ; cela me fait un bien que je ne puis vous dire. Je donne à examiner cette question à Rochecourbières, si cette joie

  1. Marie Adhémar de Mouteit, religieuse à Aubenas.