Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/521

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la vie où les forces épuisées demandent, à ceux qui ont un peu d’honneur et de conscience, de ne pas pousser les choses à l’extrémité. Voilà le fond et la pure vérité, et voilà ce qui a fait marcher le Bien bon, qui est en vérité fort fatigué d’un si long voyage. J’allai hier descendre chez le saint évêque {Henri Arnaulcl) : je vis l’abbé Arnauld, toujours très-bon ami, et content de votre billet honnête. Ils me rendirent le soir la visite ; et je vis entrer, un moment après, mesdames de Vesins, de Varennes et d’ Assé : la dernière vous reverra bientôt. Adieu, ma chère bonne mignonne, je vais dîner chez le saint évêque. J’aime la belle d’Alerac, dites-le-lui et parlez de moi à ceux qui sont auprès de vous, et qui s’en souviennent. Allez à Livry ; et si vous y pensez à moi, comme vous me le dites en vers et en prose, croyez qu’il n’y a point de moment où je ne pense à vous, avec une tendresse vive et sensible qui durera autant que moi.

À Angers, ce jeudi 21 septembre.

Je pars, ma bonne, pour les Rochers : je ne puis monter en carrosse sans vous dire encore un petit adieu. J’ai dîné, comme vous savez, avec ce saint prélat : sa sainteté et sa vigilance pastorale est une chose qui ne se peut comprendre ; c’est un homme de quatre-vingt-sept ans, qui n’est plus soutenu dans îes fatigues continuelles qu’il prend que par l’amour de Dieu et du prochain. J’ai causé une heure en particulier avec lui ; j’ai trouvé dans sa conversation toute la vivacité de l’esprit de ses frères ; c’est un prodige, je suis ravie de l’avoir vu de mes yeux. J’ai été toute l’aprèsdîner au Roncerai et à la Visitation. Mademoiselle d’Alerac, votre demoiselle de Sennac a fait la malade, et ne m’a pas voulu voir. Ces bonnes Vesins, d’Assé et Varennes ne m’ont point quittée, et m’ont fait une grande collation ; et les revoilà encore qui viennent me dire adieu, et le saint prélat, et l’abbé Arnauld : nous ne faisons point comme cela les honneurs de Paris. J’aurai, ma chère bonne, de vos lettres aux Rochers, et je vous écrirai ; mon Dieu ! ma chère Comtesse, aimez-moi toujours.


246. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

Aux Rochers, mercredi 27 septembre 1684.

Enfin, ma fille, voilà trois de vos lettres. J’admire comme cela devient, quand on n’a plus d’autre consolation : c’est la vie, c’est