Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/536

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bonne, que nous étions ridicules de tant retortiller sur ce livre, je vous l’ai mandé ; je le disais à votre frère : il en était assez persuadé ; mais nous avons cru qu’il suffisait d’avoir fait cette réflexion, et qu’en faveur des Rochers nous pouvions nous y amuser un peu plus que de raison. Nous nous souvenons encore fort distinctement comme tout cela passe vite à Paris ; mais nous n’y sommes pas, et vous aurez fait conscience de vous moquer de nous. Parlons de Livry : vous couchez dans votre chambre ordinaire, M. de Grignan dans la mienne ; celle du Bien bon est pour les survenants, mademoiselle d’Alerac au-dessus, le chevalier dans la grande blanche, et le marquis au pavillon. N’est- il pas vrai, ma bonne ? je vais donc dans tous ces lieux, embrasser tous les habitants, et les assurer que s’ils se souviennent de moi, je leur rends bien ce souvenir avec une sincère et véritable amitié. Je souhaite que vous y retrouviez tout ce que vous y cherchez, mais je vous défends de parler encore de votre jeunesse comme d’une chose perdue ; laissez- moi ce discours ; quand vous le faites, il me pousse trop loin, et tire à de grandes conséquences. Je vous prie, ma chère bonne, de ne point retourner à Paris pour les commissions dont nous vous importunons, votre frère et moi : envoyez Enfossy chez Gautier, qu’il vous envoie des échantillons ; écrivez à la d’Escars ; ne vous pressez point, ne vous dérangez point ; vous avez du temps de reste, il ne faut que deux jours pour faire mon manteau, et l’habit de mon fils se fera en ce pays : au nom de Dieu, ne raccourcissez point votre séjour ; jouissez de cette petite abbaye pendant que vous y êtes et que vous l’avez. J’ai écrit à la d’Escars pour vous soulager, je lui envoie un échantillon d’une doublure or et noir, qui ferait peut-être un joli habit sans doublure, une frange d’or au bas ; elle me coûtait sept livres En voilà trop sur ce sujet, vous ne sauriez mal faire, ma chère bonne. Nous avons ici une lune toute pareille à celle de Livry ; nous lui avons rendu nos devoirs : et c’est passer une galerie que d’aller au bout du mail. Cette place Madame est belle, c’est comme un grand belvédère, d’où la campagne s’étend à trois lieues d’ici vers une forêt de M. de la Trémouille : mais cette lune est encore plus belle sous les arbres de votre abbaye ; je la regarde, et je songe que vous la regardez : c’est un étrange rendez-vous, ma chère mignonne ; celui de JBAvilie sera meilleur. Si vous avez M. de la Garde, dites-lui bien des amitiés pour moi ; vous me parlez de Polignac comme d’un amant en-