Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/547

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Je viens de voir un prélat qui était à l’oraison funèbre. Il nous a dit que M. de Meaux s’était surpassé lui-même, et que jamais oji n’a fait valoir ni mis en œuvre si noblement une si belle matière. J’ai vu deux ou trois fois ici M. d’Autun {M. de Roquette). îl me paraît fort de vos amis : je le trouve très-agréable, et son esprit d’une douceur et d’une facilité qui me fait comprendre l’attachement qu’on a pour lui quand on est dans son commerce. Il a eu des amis d’une si grande conséquence, et qui l’ont si longtemps et si chèrement aimé, que c’est un titre pour l’estimer, quand on ne le connaîtrait pas par lui-même. La Provençale vous fait bien des amitiés. Elle est occupée d’un procès qui la rend assez semblable à la comtesse de Pimbêche. Je me réjouis avec vous que vous ayez à cultiver le corps et l’esprit du petit de Langheac. C’est un beau nom à médicamenter, comme dit Molière ; et c’est un amusement que nous avons ici tous les jours avec le petit de Grignan. Adieu, mon cher cousin ; adieu, ma chère nièce. Conservez-nous vos amitiés, et nous vous répondons des nôtres. Je ne sais si ce pluriel est bon : mais, quoi qu’il en soit, je ne le changerai pas.


259. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY.

À Paris, ce 25 avril 1687.

Je commence ma lettre aujourd’hui, et je ne l’achèverai qu’après avoir entendu demain l’oraison funèbre de M. le Prince, par le P. Bourdaloue. J’ai vu M. d’Autun qui a reçu votre lettre, et le fragment de celle que je vous écrivais. Je ne sais si cela était assez bon pour lui envoyer ici : ce qui est bon à Autun, pourrait n’avoir pas les mêmes grâces à Paris. Toute mon espérance est qu’en passant par vos mains vous l’aurez raccommodé, car ce que j’écris en a besoin. Quoiqu’il en soit, mon cousin, cela fut lu à l’hôtel de Guise ; j’y arrivai en même temps ; on me voulut louer, mais je refusai modestement les louanges, et je grondai contre vous et contre M. d’Autun. Voilà l’histoire du fragment. La pensée d’être fâché de paraître guidon dans le livre de notre généalogie est tellement passée à mon fils, et même à moi, que je ne vous conseille point de rien retoucher à cela. Il importe peu que dans les siècles à venir il soit marqué pour cette charge, qui a fait le commencement de sa vie, ou pour la sous-lieutenanee.

Je suis charmée et transportée de l’oraison funèbre de M. le Prince, faite par le P. Bourdaloue. Il s’est surpassé lui-même, c’est