Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/557

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Madame de Vins a été en peine de son mari ; elle en a reçu une lettre ; il est en sûreté présentement ; il est au siège de PhiUsbourg ; il avait passé par des bois très-périlleux, et l’on n’avait point de ses nouvelles- Si l’air et le bruit de Grignan vous incommodent, allez à la Garde ; je ne changerai point d’avis. Mille amitiés à tous vos Grignans ; je suis assurée que M. de la Garde sera du nombre. Comment trouvez-vous Pauline ? Qu’elle est heureuse de vous voir et d’être obligée de vous aimer !

Je comprends mieux que personne du monde les sortes d’attachements qu’on a pour des choses insensibles, et par conséquent ingrates ; mes folies pour Livry en sont de belles marques. Vous avez pris ce mal-là de moi.


264. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGTÎAN.

À Paris, lundi 25 octobre 1688.

L’impatience que nous avons, ma chère fille, de recevoir vos lettres ; l’attention qui nous les fait envoyer chercher jusque dans le sein de la poste ; notre joie d’apprendre que vous vous portez bien, malgré toutes vos peines, tout cela est digne des soins que vous avez de nous donner de vos nouvelles ; vous pouvez juger, par le besoin que nous en avons, combien nous vous sommes obligés de votre exactitude ; je dis toujours nous, car les sentiments du chevalier et les miens sont si pareils, que je ne saurais les séparer. Mais parlons de Philisbourg : voilà une lettre de votre enfant, du 18 ; il se portait fort bien ; vous verrez, par tout ce que vous dit M. du Plessis, qu’il ne fera pas de honte à ses parents : mais admirez les arrangements de la Providence ; la pluie l’a empêché d’être le lendemain, avec le régiment de Champagne, de l’action la plus brillante et la plus dangereuse qu’il y ait encore eue : c’est la prise d’un ouvrage à cornes, qui fut enlevé le 19, où le marquis d’Harcourt, maréchal de camp, le comte de Guiche, le cadet du prince de Tingry, le comte d’Estrées, Courtin et quelques autres, se sont distingués ; le fils de M. Courtin.est mortellement blessé, le marquis d’Uxelles légèrement : le pauvre Bordage a payé pour tous, deux jours devant. Le roi a donné son régiment à M. du Maine, et en a promis un autre au fils du Bordage, avec mille écus de pension. Les princes et les jeunes gens sont au désespoir de n’avoir pas été de cette fête,