Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/565

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nous ne craignons point les cousins, nous craignons de nous noyer. Votre soleil est bien différent de celui-ci. J’aime Pauline, je la trouve jolie, je crois qu’elle vous plaît fort ; il me paraît qu’elle vous adore. Ah ! quelle aimable maman elle est obligée d’aimer ! Je dis d’elle comme vous disiez de la princesse de Conti : C’est une jolie chose que d’être obligée à ce devoir. Faites-lui apprendre l’italien ; vous avez à Aix M. le prieur, qui sera ravi d’être son maître. Je vois que la harangue de M. le comte a été fort bien tournée. Nous soupâmes samedi, M. le chevalier et moi, chez M. de Lamoignon, qui nous dit celle qu’il fait aujourd’hui aux avocats et aux procureurs : elle est fort belle. Faites bien mes amitiés à vos Grignans, et un compliment, si vous voulez r à M. d’Aix. Que vous êtes heureuse de n’être point sur tout cela comme autrefois ! vous avez vu en ce pays le prix qu’il y faut donner. Si vous n’êtes pas mal avec M. d’Aix, sa conversation est vive et agréable ; et comme il est content, j’espère que vous serez en paix.

Voici une petite nouvelle qui ne vaut pas la peine d’en parler, c’est que Franckendal s’est rendu le 18 de ce mois : il n’a fallu que lui montrer du canon, il n’y a eu personne de tué ni de blessé. Monseigneur est parti, et sera à Versailles d’aujourd’hui en huit jours r 29 du mois, et votre enfant aussi. Vous avez de ses lettres : oh ! soyez donc tout à fait contente pour cette fois, et remerciez Dieu de tant d’agréments dans ce commencement. Adieu, ma très-chère et très-aimable : je veux vous dire que je fis deviner l’autre jour à la mère prieure [1] (des Carmélites) votre occupation présente après celle du procès ; vous croyez bien qu’elle se rendit : C’est, lui dis-je, ma mère, puisqu’il ne faut rien vous cacher, quelle fait une compagnie de chevau-légers. Je ne sais quel ton elle trouva à cette confiance, mais elle fit un éclat de rire si naturel et si spirituel, que toute notre tristesse en fut embarrassée^ je n’oubliai point de conter votre parfaite estime pour le saint couvent. Cette mère sait bien mener la parole.


269. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

Paris, mardi au soir, 30 novembre 1688.

Je vous écris ce soir, ma fille, parce que je m’en vais demain, à euf heures, au service de notre pauvre Saint- Aubin ; c’est un devoir

  1. N… Gigault de Bellefonds, tante du maréchal de Bellefonds.