Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/566

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que nos saintes carmélites lui rendent par pure amitié : je les verrai ensuite, et vous serez célébrée comme vous l’êtes souvent ; de là j’irai dîner chez madame de la Fayette.

Vous me représentez fort bien votre fille aînée [1] ; je la vois, je vous prie de l’embrasser pour moi ; je suis ravie qu’elle soit contente. Parlons de votre fils : ah ! vous n’avez qu’à l’aimer tant que vous voudrez, il le mérite, tout le monde en dit du bien, et le loue d’une manière qui vous ferait périr ; nous l’attendons cette semaine. J’ai senti toute la force de la phrase dont il s’est servi pour cette estime qu’il faut bien qui vienne, ou qu’elle dise pourquoi ; j’en eus les larmes aux yeux dans le moment ; mais elle est déjà venue, et ne dira point pourquoi elle ne viendrait pas. La réputation de cet enfant est toute commencée, et ne fera plus qu’augmenter. Le chevalier en est bien content, je vous en assure. Je fus d’abord émue de la contusion, en pensant à ce qui pouvait arriver ; mais quand je vis que le chevalier en était ravi, quand j’appris qu’il en avait recules compliments de toute la cour et de madame de Maintenon, qui lui répondit, avec un air et un ton admirables, sur ce qu’il disait que ce n’était rien : Monsieur, cela vaut mieux que rien ; quand je me trouvai moi-même accablée de compliments de joie, je vous avoue que tout cela m’entraîne, et je m’en réjouis avec eux tous, et avec M. de Grignan, qui a si bien fixé et placé la première campagne de ce petit garçon. Vous ne pouviez me parler plus à propos de nos dîners et de nos soupers : je viens de souper chez le lieutenant civil avec madame de Vauvineux, l’abbé de ia Fayette, l’abbé Bigorre et Corbinelli. J’ai soupe deux fois chez madame de Coulanges toute seule. Les Divines sont éclopées : la duchesse du Lude a été à Verneuil, elle est maintenant à Versailles. Monseigneur y arriva dimanche ; le roi le reçut au bois de Boulogne ; madame la Dauphine, Monsieur, Madame, madame de Bourbon, madame la princesse de Conti, madame de Guise, dans le carrosse. Monseigneur descendit, le roi voulut descendre aussi ; Monseigneur lui embrassa les genoux ; le roi lui dit : Ce n’est pas ainsi que je veux vous embrasser ; vous méritez que ce soit autrement. Et sur cela bras dessus et bras dessous, avec tendresse de part et d’autre ; et puis Monseigneur embrassa toute la carrosée et prit la huitième place. M. le chevalier

  1. Marie-Blanche d’Adhémar, religieuse au couvent de la Visitation d’Aix.