Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/567

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pourra vous en dire davantage. Je crois que vous savez présentement avec quelle facilité le roi vous a accordé ce que vous demandiez pour Avignon : ainsi, ma très-chère, il faut remettre à une autre fois la partie que vous aviez faite de vous pendre.

J’ai gardé ma maison : j’ai eu d’abord M. de Pomponne, qui vous aime et vous admire, car vos louanges sont inséparables du souvenir qu’on a de vous. Ensuite madame la présidente Croiset, M. le président Rossignol ; et nous voilà à recommencer vos louanges et votre procès. J’ai vu Saint-Hérem, qui vous fait mille compliments sur la contusion, et vous remercie des vôtres sur la culbute de son fils ; il se trouvera fort bien de la marmite renversée de M. de la Rochefoucauld[1] ; cette abondance le faisait mourir. Adieu, ma très-chère et très-aimable, je m’en vais me coucher pour vous plaire, comme vous évitez d’être noyée pour me faire plaisir. Il n’y a rien dont je puisse vous être plus obligée que de la conservation de votre santé. Je vous mandais hier, ce me semble, que vos chaleurs et vos cousins me faisaient bien voir que nous n’avions pas le même soleil : il gelait la semaine passée à pierre fendre ; il a neigé sur cela, de sorte qu’hier on ne se soutenait pas ; il pleut présentement à verse, et nous ne savons pas s’il y a un soleil au monde.


270. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 5 décembre 1688.

Vous apprendrez aujourd’hui, ma fille, que le roi nomma hier soixante-quatorze chevaliers du Saint-Esprit, dont je vous envoie la liste. Comme il a fait l’honneur à M. de Grignan de le mettre du nombre, et que vous allez recevoir cent mille compliments, gens de meilleur esprit que moi vous conseillent de ne rien dire ni écrire qui puisse blesser aucun de vos camarades. On vous conseille aussi d’écrire à M. de Louvois, et de lui dire que l’honneur qu’il vous a fait de demander de vos nouvelles à votre courrier vous met en droit de le remercier ; et qu’aimant à croire, au sujet de la grâce que le roi vient de faire à M. de Grignan, qu’il y a contribué au moins de son approbation, vous lui en faites encore un remercîment. Vous tournerez cela mieux que je ne pourrais faire : cette lettre sera sans préjudice de celles que doit écrire M. de Griguan. Voici les circonstances de ce qui s’est passé. Le roi

  1. Il avait réformé sa table.