Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/573

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vous surtout de vous accoutumer à la gronder et à l’humilier. Toutes mes amies me chargent très-souvent de mille amitiés, de mille compliments pour vous. Madame de Lavardin vint hier ici me dire qu’elle vous estimait trop pour vous faire un compliment ; mais qu’elle vous embrassait de tout son cœur, et ce grand comte de Grignan ; voilà ses paroles. Vous avez grande raison de l’aimer.

Voici un fait. Madame de Brinon [1], l’âme de Saint-Cyr, l’amie intime de madame de Maintenon, n’est plus à Saint-Cyr ; elle en sortit il y a quatre jours : madame de Hanovre, qui l’aime, la ramena à l’hôtel de Guise, où elle est encore. Elle ne paraît point mal avec madame de Maintenon ; car elle envoie tous les jours savoir de ses nouvelles ; cela augmente la curiosité de savoir quel est donc le sujet de sa disgrâce. Tout le monde en parle tout bas, sans que personne en sache davantage ; si cela vient à s’éclaircir, je vous le manderai.


273. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 24 décembre 1688.

Le marquis a été seul à Versailles, il s’y est fort bien comporté ; il a dîné chez M. du Maine, chez M. de Montausier, soupe chez madame d’Armagnac, fait sa cour à tous les levers et à tous les couchers. Monseigneur lui a fait donner le bougeoir ; enfin, le voilà jeté dans le monde, et il y fait fort bien. Il est à la mode, et jamais il n’y eut de si heureux commencements, ni une si bonne réputation ; car je ne finirais point, si je voulais vous nommer tous ceux qui en disent du bien. Je ne me console point que vous n’ayez pas le plaisir de le voir et de l’embrasser, comme je fais tous les jours.

Mais ne semble-t-ilpas, à me voir causer tranquillement avec vous, que je n’aie rien à vous mander ? Écoutez, écoutez, voici une petite nouvelle qui ne vaut pas la peine d’en parler. La reine d’Angleterre et le prince de Galles, sa nourrice et une remueuse uniquement, seront ici au premier jour. Le roi leur a envoyé ses carrosses sur le chemin de Calais, où cette reine arriva mardi dernier, 21 de ce mois, conduite par M. de Lauzun. Voici le détail que M. Courtin, revenant de Versailles, nous conta hier chez madame de la Fayette. Vous avez su comme M. de Lauzun se résolut, il y a cinq ou six semaines, d’aller en Angleterre ; il ne pouvait

  1. Supérieure de Saint-Cyr, femme de beaucoup de talent, mais ambitieuse.